L'épouvantail udéciste dans le marais centre-droit

Course de l'escalade dans la démagogie réactionnaire

Le concours de culculterries politiques est ouvert : Au terme de son assemblée des délégués, l'UDC a réaffirmé sa prétention à être, toute seule, « le parti de la Suisse ». Vexé (et surtout inquiet), le PLR répond, sur le même mode mais un ton en dessous, quoique sur une pleine page du « Matin Dimanche », qu'il agit «par amour de la Suisse ». Grignoté sur sa gauche par les Verts et les Verts libéraux, bouffé sur sa droite par l'UDC (ou, à Genève, le MCG), le centre mou, il est vrai, joue sa survie politique. Pour la gauche, l'enjeu est différent -et les autoproclamations de la droite de la droite devraient, après tout, nous être de bonne augure. Proclamer que « les Suisse votent UDC », et donc que ceux qui ne votent pas UDC (soit 70 % de l'électorat actif, 85 % de l'électorat et 90 % de la population de nationalité suisse) ne sont pas suisses, c'est nous donner l'occasion d'affirmer que la Suisse de l'UDC n'est pas la nôtre, et de laisser libéraux-radicaux à la Lüscher et démo-chrétiens à la Chevrolet essayer piteusement de récupérer des bribes du discours udéciste pour les recycler sous leur emballage.

Nous sommes les autres

Que l'UDC atteigne ou non son objectif de 30 % des suffrages lors des prochaines élections fédérales importe finalement assez peu, sinon symboliquement. Ce qui devrait nous importer, c'est le confinement du discours udéciste dans son enclos, à la droite de la droite, à l'image de son congrès vaudois de ce week-end : les pieds dans le foin, et le reste du foin dans la tête. L'enclos de l'UDC est large, certes -mais il resterait un enclos si le marais politique radelibe et démo-chrétien ne clapotait de tentatives de récupérer le discours sécuritaire, xénophobe, et surtout réactionnaire, qui s'y tient sur tout les sujets. Un discours d'ailleurs efficace, sur l'électorat qu'il vise : L'UDC étant aujourd'hui le premier parti chez les retraités, le vieillissement de la population (qui n'est freiné que par l'immigration) devrait lui assurer un confortable « socle électoral », dans ces classes d'âge -où pourtant le PS accumule les succès lors de votations référendaires portant sur l'AVS olu le 2e pilier, succès qu'il n'arrive pas à transformer lors des élections, car cet électorat, traversé par un clivage entre ses choix sociaux et économiques et les choix culturels et éthiques de la gauche, soutiendra le PS sur l'assurance-maladie, l'assurance-chômage, l'AVS, la lutte contre les licenciements, la défense du service public -mais pas sur l'ouverture à l'Europe, à l'immigration, à la culture alternative, à la solidarité internationale... A l'inverse, l'électorat populaire de l'UDC soutiendra l'UDC dans son opposition à l'Europe, à l'immigration ou à l'islam, mais pas dans ses choix économiques et sociaux. C'est précisément la raison pour laquelle l'UDC engage des moyens bien plus considérables à labourer le champ de la xénophobie et de la paranoïa sécuritaire, et à y entraîner le reste de la droite, qu'à populariser son propre soutien aux banques, au patronat et aux contribuables les plus fortunés : l'UDC investit là où elle peut gagner, pas là où elle sait qu'elle va perdre. Et du coup, elle oblige le reste de la droite à courir à ses basques, comme l'illustre, très localement, mais jusqu'à la caricature, le pitoyable programme dont le PDC de la Ville de Genève vient de se gratifier : armement de la police municipale, réseau de vidéosurveillance en ville, préférence municipale à l'embauche dans la fonction publique de la Ville... A Genève, cependant, l'UDC a trouvé son maître, le MCG, dans l'exercice que décrit fort bien Sylvie Arsever dans Le Temps : « titiller le cochon qui sommeille », lancer des initiatives ou des propositions aux « énoncés implicites parfaitement fantaisistes auxquels le fait d'être inclu dans une question solennellement posée au peuple donne une consistance inespérée» : la prolifération fantasmatique de minarets, la submersion de la Suisse par les criminels étrangers, la racaille d'Annemasse déferlant sur Genève par le CEVA... « Les Suisses votent UDC », proclament les blochériens ? Soit. Assumons de ne pas être « suisses », au sens, profondément péjoratif, que donne l'UDC à ce qualificatif, qui renvoie à un biotope qui n'est pas le nôtre, et à la marge duquel nous nous tenons. Une marge plus large que la page udéciste, une marge en laquelle il convient de rester et de prospérer, en réduisant le centre mou à ce qu'il mérite d'être et l'UDC à son Urschweiz tribale. L'UDC tenant assemblée des délégués dans un champ vaudois a proclamé : « Désormais, il y a deux partis : nous et les autres ». Nous sommes « les autres ».

Commentaires

Articles les plus consultés