Prolongation des heures d'ouverture des magasins : Non, c'est non ! Faut vous le dire combien de fois ?

Le 28 novembre dernier, pour la deuxième fois à Genève, et la vingt-troisième fois en Suisse depuis 1996, le peuple des consommateurs a dit clairement (à 56,2 % des suffrages) qu'il n'avait pas besoin qu'on lui ouvre une heure de plus la Migros ou la Coop du coin ou le centre commercial d'un peu plus loin, et que les dizaines de magasins déjà ouverts jusqu'à 22 heures, minuit, ou 24 heures sur 24, lui suffisent. Mais ce vote, aussi clair et net que le refus au plan fédéral de l'initiative fiscale socialiste, le patronat du secteur de la grande distribution, ses porte-voix politiques (le député Jeannerat, notamment), son journal (la «Tribune de Genève») et son ministre, Pierre-François Unger, refusent d'en tenir compte. Et Unger d'annoncer qu'il va se repointer devant le Conseil d'Etat avec une nouvelle proposition de trois dimanches d'ouverture des magasins. Le vote n'était pas clair ? Faut recommencer ? Atteindre les 75 % de « non » pour que ces braves gens comprennent qu'ils devraient se la coincer ? « Non », c'est « non », c'est pas « p'têt ben qu'oui » !

Quand Superpoints et Cumulus sont dans un bateau, c'est le personnel qui rame

Pauvre Monsieur Vibourel : le patron de Migros Genève proclamait encore, dans la Tribune du 22 novembre, que « le nouvel horaire des magasins sera à terme profitable à tous . Notez le futur, plutôt que le conditionnel : M. Vibourel ne doutait pas de la victoire du patronat et de la droite lors du vote populaire sur la prolongation des heures d'ouverture des souks. « Profitable à tous », cette prolongation ? Une claire majorité de votantes et votants ont répondu « non » -et du coup, les petits commerçants qui faisaient campagne contre cette prolongation, qui les aurait encore plus fragilisés face aux grands distributeurs, peuvent souffler, les critiques du consumérisme se féliciter de ce moment de lucidité populaire avant la frénésie des fêtes de fin d'année, Et avant que les partisans de la « libéralisation » des horaires d'ouverture des (grands) commerces aient remis la compresse, n'ayant apparemment pas compris que les consommateurs n'en avaient pas besoin et que si un peu moins de 44 % des votants l'ont soutenue, c'était seulement parce qu'ils en avaient envie -une envie qui restera insatisfaite sans que cela leur porte quelque préjudice que ce soit. Prolonger les heures d'ouverture des magasins, ce n'est pas donner aux consommateurs des moyens financiers supplémentaires pour consommer -le pouvoir d'achat des clients n'augmente pas avec les heures d'ouverture des souks, et il faut être Unger pour croire que « le commerce genevois peut gagner des clients avec les ouvertures dominicales ». Quels clients, qui ne le seraient pas déjà les autres jours ? Les clients que les consommateurs auraient procréés en faisant l'amour plutôt que les courses, comme les y incitaient les Jeunes Socialistes ? Prolonger l'ouverture des magasins, c'est enfin ne tenir aucun compte de la situation des petits et moyens commerces, qui ont appelé à refuser de faire ce cadeau aux grandes surfaces et aux centres commerciaux, où des boutiques sont obligées par contrat d'appliquer les horaires du souk, quand bien même elles préfèreraient s'abstenir de « nocturnes » coûteuses : à Balexert, des boutiquiers ont déposé une pétition pour pouvoir déroger à la « nocturne ». Ce droit leur a été refusé. Pourtant, il a été établi que les ouvertures prolongées sont peu fréquentées, peu rentables, ce que confirment les actions plus ou moins désespérées menées par les commerces qui les pratiquent pour attirer des clients rétifs. La moitié de la population ne fréquente jamais les commerces au-delà de 19 heures, une majorité de celles et ceux qui font des achats après 19 heures pourraient le faire avant et seuls 20 % des salariés terminent régulièrement leur travail après 19 heures (au nombre de ces salariés nocturnes, on compte celles et ceux du commerce de détail ouvert après 19 heures). La prolongation des heures d'ouverture des magasins était donc inutile., quand son refus sera diablement utile aux syndicats, qui peuvent légitimement l'interpréter comme un soutien à l'amélioration des conditions de travail des vendeuses et vendeurs, plutôt qu'à celles des profit de la Migros, de la Coop ou de Manor.

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