Initiative socialiste contre la violence des armes : L'adieu aux armes, pas aux larmes

Le 13 février prochain, l'initiative socialiste « pour la protection face à la violence des armes », lancée en 2007, sera soumise au vote populaire, entre autres objets (dont à Genève une amnistie fiscale assez crapuleuse). Le parlement et le Conseil fédéral appellent à rejeter l'initiative du PS, qui vise à interdire la détention d'armes militaires (ainsi que de toute arme automatique et de fusils à pompe) à la maison, à restreindre le droit de port d'arme et à créer un registre national des armes à feu. La droite avait tiré à rafales, et se prépare à rouvrir le feu, contre un texte qui s'attaque à deux bovins sacrés : le mythe du citoyen-soldat et le « tir sportif ». Que les mesures proposées par l'initiative permettraient d'éviter nombre de tueries, domestiques ou non, opérées par des frapadingues à l'aide de leur arme militaire, peu chaut à la droite : ses pulsions sécuritaires s'arrêtent devant l'armoire où le mâle helvétique a rangé son flingue, son livret de soldat et son fouet de Hornuss. Quant à la nouvelle Conseillère fédérale socialiste, elle a commencé à faire le boulot que la droite attendait d'elle en l'élisant : elle a appelé à repousser l'initiative socialiste qu'en tant que parlementaire elle avait soutenu. « Il faut se plier à l'exercice », soupire Christian Levrat. « En tant que parti minoritaire, nous avons l'habitude », soupire en écho Maria Roth-Bernasconi. Quelqu'un pourrait-il essayer d'expliquer à nos camarades que mêmes les mauvaises habitudes peuvent se perdre, et qu'à force de se plier, on se courbe ?

De la coalition des casques à boulons, des Nemrods du week-end et des fétichistes des flingues

En 2008, dans le double sillage de l'initiative socialiste et des accords de Schengen, une nouvelle loi sur les armes est entrée en vigueur, un peu plus sévère que l'ancienne, mais encore largement insuffisante au vu de l'usage régulier des armes militaires pour occire, non l'envahisseur métèque, mais la compagne et les enfants du détenteur de l'arme, des passants qui passent, voire, comme à Zoug en 2001, des députés (14 membres du Grand Conseil zougois abattus par un cinglé armé de son fusil militaire). Certes, la révision de la loi a permis aux cantons de récupérer 30'000 armes, en plus ou moins bon état, et des tonnes de munitions, mais ce résultat ne fait que donner une idée de la masse considérable d'armes, en particulier d'armes de guerre, à disposition dans les caves, les galetas et les armoires des mâles helvétiques ayant accompli leur rite de passage militaire. Pour le colonel divisionnaire et visionnaire Janea-Jacques Chevalley, si plus rien ne justifie du point de vue militaire que les citoyens-soldats suisses gardent leurs armes à la maison, cette tradition mérite encore d'être défendue, d'un point de vue historique et symbolique. D'un point de vue historique ? Soit. Mais restons-en alors à la hallebarde, à la pertuisane et au morgenstern. Ou au gourdin. D'un point de vue symbolique ? il pèse son poids de morts, le symbole : une cinquantaine de personnes sont tuées chaque année en Suisse, le plus souvent dans le cadre domestique, par des armes de guerre. Que la disponibilité d'une arme accroisse la possibilité de son usage relève de la plus triviale logique, et tout confirme que plus il y a d'armes en circulation, plus il y a usage abusif des armes. Or il y a plus de deux millions d'armes à feu (dont une majorité d'armes de guerre) qui sont détenues, à domicile, en Suisse, à disposition de leurs détenteurs. Et quand le détenteur pète un plomb, il a sous la main de quoi en farcir femmes, enfants, voisins ou ennemis imaginaires... Résultat : si le taux de criminalité en Suisse se situe dans la moyenne inférieure des pays comparables, le taux de violences conjugales avec usage d'armes à feu atteint presque le niveau qu'il atteint aux USA. L'initiative socialiste que le Conseil fédéral et le parlement appellent à rejeter ne demande pas la lune : elle demande que la Confédération légifère sur l'usage abusif d'armes, accessoires et munitions, qu'elle règle la possession, le port, l'usage et la remise d'armes, qu'elle interdise les armes particulièrement dangereuses (armes automatiques ou fusils à pompe, par exemple), que les candidats à la possession d'une arme en justifient le besoin et leur propre capacité d'en user avec discernement (on ne s'étonnera donc pas que les sociétés de tir et les chasseurs soient totalement opposés à cette « clause du besoin »), que les armes remises aux militaires soient conservées dans des locaux sécurisés de l'armée tant qu'armée il y a encore, et qu'aucune arme à feu ne soit remise aux militaires quittant l'armée. Tout cela devrait relever de l'évidence. Comme relève d'ailleurs de l'évidence l'opposition pavlovienne exprimée à ces revendications par la coalition néanderthalienne des casques à boulons, des Nemdrods du week-end et des fétichistes des flingues.

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