Le Bailli baille, les pauvres rament

Depuis des années, contre la volonté du canton, c'est-à-dire de sa majorité politique de droite, la Ville de Genève, c'est-à-dire sa majorité politique de gauche, verse une modeste allocation mensuelle (185 francs par personne pour les célibataires, 165 francs pour les personnes en couple) à 4750 habitantes et habitants de la commune, bénéficiaires des allocations complémentaires à l'AVS, mais se trouvant encore dans une situation matérielle trop difficile pour être acceptable socialement. Mais que le Bailli cantonal persiste, lui, à trouver normale, puisqu'il prétend interdire à la Ville de l'améliorer si peu que ce soit. Et le voilà donc, notre Bailli cantonal, qui nous baille des décisions de justice qu'il interprète à sa guise pour menacer la Ville d'invalider son budget si celui-ci contenait toujours une ligne de 10 millions de francs destinée à financer l'aide municipale que le canton voudrait abolir.

Monopole cantonal et constat d'échec

En 2009, l'AVIVO, réagissant aux premières menaces cantonales, avait lancé une initiative populaire municipale pour inscrire les prestations complémentaires communales dans un règlement. L'initiative avait abouti, et avait, évidemment, toutes les chances d'être acceptée. Le canton a donc décidé de s'éviter cette défaite, en invalidant purement et simplement l'initiative. Invalidation confirmée par le Tribunal administratif et par le Tribunal fédéral. C'est sur cette invalidation que s'appuie le canton, aujourd'hui, pour nier le droit de la Ville à compléter les allocations cantonales par ses propres allocations. Or aucun des deux tribunaux ne s'est prononcé sur le fond de l'initiative : ils ont seulement confirmé que le canton avait le droit de l'invalider. Mais aucune décision de justice, ni aucune législation « supérieure », n'interdit aux communes d'accorder leurs propres allocations complémentaires aux allocations, déjà complémentaires à l'AVS, du canton. On est donc pleinement dans un débat politique, purement politique, dans un affrontement gauche-droite (gauche municipale contre droite cantonale), sur fonds de paupérisation d'une partie importante de la population des villes. Les personnes âgées, qui bénéficient des allocations complémentaires cantonales ou municipales, ne forment pas la totalité de cette population précarisée, mais elles en constituent la part la plus fragile. 4750 personnes bénéficient en Ville de Genève de l'aide que la Ville leur accorde, et que le canton veut supprimer. Que l'AVS et l'aide cantonale, additionnées, ne permettent pas à ces 4750 personnes de vivre dignement, et qu'il faille y ajouter une aide municipale, cela seul justifierait l'aide que la Ville leur accorde. Mais il y a plus, ou pire : ce besoin d'une aide municipale est à lui seul un constat d'échec : celui de la politique sociale cantonale. Le canton revendique pour soi-même, le monopole des aides sociales ? Il devrait commencer par se demander ce que vaut sa propre politique, quand elle laisse près de 5000 personnes avoir besoin de l'aide municipale pour pouvoir vivre dignement en Ville de Genève. ça n'est en tout cas en privant ces personnes de l'aide municipale que le bailli cantonal fera oublier que si elles en ont besoin, c'est bien que sa propre politique les laisse précisément en avoir besoin.

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