Tunisie, Algérie, Egypte : Barakat !

Des morts en Tunisie, des morts en Algérie, des morts en Egypte. En Tunisie, des émeutes ont éclaté après le suicide par le feu d'un marchand ambulant dont la police venait de saisis l'étal, puis celui, toujours par le feu, d'un lycéen; en Algérie, les émeutes ont répondu à l'augmentation vertigineuse des prix des dentées alimentaires de base -et elles ont fait au moins trois morts et 400 blessés; en Egypte, les Coptes ont crié dans la rue leur colère de l'inaction, ou de la complicité, du pouvoir avec les épurateurs islamistes qui venaient de commettre un attentat suicide devant une église d'Alexandrie. Un seul mot résume la colère des Tunisiens, des Algériens, des Coptes d'Egypte : Barakat ! Assez ! Notre pays n'est pas la propriété privée de Ben Ali, de Bouteflika, de Moubarak, de leurs tuteurs et de leurs obligés !

« Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts »

Quel point commun entre les révoltes tunisienne, algérienne et celle des Coptes d'Êgypte ? La Hogra, le mépris contre quoi elles se dressent. Le mépris en lequel les pouvoirs politiques de ces trois pays, et les forces économiques, sociales et culturelles (et donc religieuses) qu'ils représentent, tiennent à la fois les droits et les libertés fondamentales, et les promesses des indépendances et des révolutions dont ils sont les indignes héritiers, captateurs d'héritages. Et puis, enchevêtrées, il y a en Tunisie et en Egypte la manipulation religieuse des colères sociales, et, comme en Algérie, la répression des protestations par les gouvernants. Et surtout le désespoir d'une jeunesse qui ne perçoit d'alternative qu'entre la misère et l'oppression chez elle ou l'immigration illégale chez nous, entre s'immoler par le feu dans la rue ou se noyer en pleine mer. En Tunisie, chaque année, la moitié d'une classe d'âge arrivant sur le « marché du travail » se retrouve au chômage. En Algérie se conjuguent augmentation vertigineuse des prix des denrées alimentaires de base, crise du logement, crise de l'emploi avec un taux réel de chômage de 25 %, alors que le pays repose sur un matelas de milliards de pétrodollars. Les jeunes des quartiers périphériques déboulent dans les villes pour protester contre le sort qui leur est fait, magasins privés et services publics sont attaqués, pillés, incendiés -mais il n'y a personne derrière les émeutes algériennes, pour les manipuler : un témoin résume, dans Le Monde : « les émeutiers ne sont pas des enfants de la mosquée, ce sont des enfants du rien ». Des enfants qui ne sont animés que d'une haine de classe sans perspective politique, et qui s'en prennent à tout ceux qui ont un peu plus qu'eux, qui n'ont rien. En Tunisie, en Algérie, en Egypte, le pouvoir exécutif écrase tous les autres, les parlements sont des chambres d'enregistrement, la justice est aux ordres, les media sont muselés, les syndicats officiels domestiqués, les syndicats autonomes harcelés. L'Algérie célébrera l'année prochaine son demi-siècle d'indépendance : qu'en a-t-elle fait ? Il y a dix ans, en Kabylie puis dans tout le pays, des centaines de milliers de manifestants défilaient derrière une banderole proclamant face à la police et l'armée « vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts ! ». Le Front des Forces Socialistes algériennes résume les causes des émeutes, dans un pays où elles sont la dernière forme de protestation, d'indignation pour reprendre le mot que le petit livre de Stéphane Hessel vient de remettre à l'honneur: « C'est que le sentiment d'injustice, c'est que le sentiment de révolte sont profondément enracinés dans le vécu quotidien. L'immense majorité de la population ne fait pas confiance à ses dirigeants; elle est convaincue qu'il n'y a pas d'autre moyen que la violence pour se faire entendre ». Et en Egypte, par quel autre moyen que son expression dans la rue, les Coptes peuvent-ils dire leur indignation de se retrouver face à une police mobilisée plus efficacement pour les contenir que pour les protéger des djihadistes ? Les Etats Unis et les Etats européens se sont dits « préoccupés » par les violences en Tunisie, en Algérie et en Egypte. « Préoccupés », ils peuvent l'être, pour leurs investissements dans ces pays, et pour ce que les crises nord-africaines vont provoquer d'émigration vers l'Europe -qui, déjà barricadée contre les métèques, haussera encore ses barricades légales au fur et à mesure que dans les rues des villes tunisiennes et algériennes s'élèveront les barricades des émeutiers. En Algérie, des Suisses (Jelmoli) construisent de somptueux centres commerciaux. Pour qui ? Les chômeurs de Bab El Oued, les laissés pour compte de Beni Mered, les futurs harragas ?


Rassemblement de dénonciation de toutes les formes de racisme et de fanatisme, de revendication de respect partout de la Déclaration universelle des droits humains, et d'expression de notre volonté de construire et de défendre des sociétés pluralistes (et donc multiculturelles) et démocratiques et des institutions laïques
JEUDI 13 JANVIER, Place de Neuve, Genève, de 18 à 20 heures.

Commentaires

Articles les plus consultés