Amnistie fiscale : la droite veut faire taire le Conseil d'Etat

Les Indulgences dans le silence

Or donc, le bureau (à majorité de droite, forcément) du Grand Conseil genevois (à majorité de droite) nous fait un caca nerveux parce que le Conseil d'Etat (à majorité de droite) a fait paraître, dans la brochure officielle expliquant les objets cantonaux soumis au vote populaire le 13 février, deux mentions de l'opposition du Conseil d'Etat à la proposition (de droite) de rétablir le commerce des Indulgences en accordant une juteuse amnistie aux fraudeurs et soustracteurs fiscaux. Pour le bureau du grand Conseil, qui a pondu une interprétation très particulière de la loi, en cas de divergences d'opinion entre le parlement et le gouvernement, seule la position de la majorité du parlement devrait être transmise au public. La loi ne dit rien de tel ? Peu importe : pour la droite (UDC et MCG compris), la loi compte moins que la crainte de voir la position du gouvernement entendue par les gouvernés, quoi que ceux-ci en fassent. Et du coup, nous voilà conduits à être gouvernementaux... un comble...

« Leur ventre leur est pour dieu, la cuisine pour religion, lesquels ôtés, non seulement ils ne pensent pas qu’ils puissent être chrétiens, mais ne pensent plus être hommes.. Bref, ils ont tous un même propos : ou de conserver leur règne, ou leur ventre plein. (Jean Calvin) »

La brochure officielle pour la votation cantonale du 13 février contiendrait donc deux crimes de lèse-majorité parlementaire : elle indique que « contrairement à l'avis du Conseil d'Etat, le Grand Conseil invite les citoyennes et les citoyens à voter oui » à l'amnistie fiscale, ce qui est la stricte vérité, et elle intègre la position du Conseil d'Etat dans la liste des recommandations de vote diverses et variées que contient la brochure. Un ancien député rangé des voitures parlementaires mais pas des chais pinardiers a même cru bon de déposer devant le Tribunal administratif un recours, en couinant que « le Conseil d'Etat viole la loi » et que c'est « inacceptable ». En fait, le Conseil d'Etat ne viole rien du tout, et la loi n'exclut nullement que sa position soit mentionnée. Certes, le Conseil d'Etat doit consulter le bureau du Grand Conseil avant de publier les explications et prises de position officielles sur l'enjeu soumis au vote populaire, mais il n'est absolument pas tenu de suivre la position dudit bureau. Le PS dénonce à juste titre l'attitude « infantile » de la droite (ou de ceux qui agissent en son nom), en relevant que si le recours libéral devait être accepté, il en coûterait aux caisses publiques plusieurs centaines de milliers de francs pour reconvoquer le corps électoral (il faudrait en effet retirer l'amnistie fiscale de la liste des objets soumis au vote du 13 février, l'nscrire à un autre scrutin et faire réimprimer la brochure électorale et les bulletins de vote envoyés à toutes et tous les citoyen-nes du canton. Il faut donc croire que le rétablissement du commerce des indulgences (que nous allons d'ailleurs proposer au Conseil Municipal de la Ville de soutenir) est chose si essentielle, si fondamentale dans la Rome protestante, que le silence doive se faire sur les oppositions qu'il suscite. Cela dit, le Conseil d'Etat pourra toujours, comme le fit Luther, placarder ses propres thèses sur la porte des églises. Sans rien risquer d'ailleurs de ce que risqua Luther -mais il est vrai, sans guère de chance non plus de provoquer la révolution qu'il provoqua. Et, gouvernementaux comme nous le sommes, puisque socialistes, nous nous ferons, si besoin est, un devoir de les diffuser, les thèses du Conseil d'Etat. Un devoir accru même du plaisir, exceptionnel, de nous retrouver, modeste habitant plébéien, dans le même camp que nos Magnifiques Seigneurs Syndics. Un plaisir pareil, plus encore que le devoir qu'il accompagne, ne se refuse pas : sa rareté même lui donne toute sa valeur. A conditions, bien entendu, de n'en pas abuser.

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