Financement des partis politiques et des campagnes électorales : Contraindre à la transparence ?

Il vaudrait mieux, sans doute, n'avoir nul besoin de contraindre les partis politiques, et en particulier ceux de droite puisque ce sont ceux-ci qui y rechignent le plus, à la transparence de leur financement et de celui de leurs campagnes électorales... Les y inciter par l'exemple ? C'est ce que le PS de la Ville a fait vendredi, en publiant son budget de campagne, les autres partis ne pouvant décemment plus, en période électorale, se défiler (quoique certains aient tout de même trouvé quelques astuces pour sous-estimer leurs dépenses, et que d'autres aient carrément déclaré n'importe quoi -il est vrai que ceux-là nous y ont habitués). Le même soir, le Grand Conseil votait une loi sur le financement des partis politiques -mais une loi qui ne plafonne pas leurs dépenses électorales, et laisse donc faire la main invisible d'un « libre marché politique » qui, logiquement, transforme la démocratie en marchandise. Et une loi dans laquelle, au passage, on ne se refait pas, la droite a réussi à glisser un nouveau cadeau fiscal, aux sponsors de ses propres partis cette fois.

Guerre des nerfs autour du nerf de la guerre

En publiant son budget électoral, exclusivement financé par les contributions de ses membres et de ses élus, le PS de la Ville a incité les autres partis, et contraint certains d'entre eux, à en faire autant. Les chiffres donnés par les uns et les autres doivent cependant être pris avec une extrême prudence : si ceux des Verts et d'Ensemble à gauche sont parfaitement crédibles, puisque le financement de ces deux formations repose sur les mêmes base que celui du PS de la Ville (les contributions des élus et des membres), et que ni les uns, ni les autres ne reçoivent de petits ou gros cadeaux de sponsors intéressés à un retour sur investissement, tel n'est pas le cas des partis de l'Entente, ni, et encore moins, des Pinocchios de l'UDC et du MCG -ces deux formations se distinguant, dans leurs réponses à la presse, par une assez remarquable compétence dans l'épandage de fumée.. En outre, s'agissant d'élections municipales, plusieurs partis confondent leurs budgets cantonaux et municipaux, certains (l'UDC, les libéraux) n'ayant d'ailleurs même pas de section de la Ville de Genève -il est vrai qu'ils abhorrent la Ville au point qu'en reconnaître l'existence dans leurs propres structures doit leur paraître obscène. Bref, quand la Tribune de Genève annonce que « la conquête de la Ville de Genève » coûtera 1 million et demi aux partis qui s'y lancent, elle est vraisemblablement loin du compte. Le PS a donc annoncé son budget : 350'000 francs pour la campagne des deux élections municipales, celle du Conseil municipal et du Conseil administratif, campagnes financées par les résultats des élections municipales précédentes, puisque par les contributions des élus (celles des membres financent le fonctionnement du parti, hors campagnes électorales). Les Verts annoncent deux fois moins, Ensemble à gauche quatre fois moins. Et le parti libéral-radical fait mine de s'étonner : « le PS est aussi riche que nous »... avant d'admettre qu'en fait, il est bien plus riche, puisqu'aux 350'000 francs qu'il avouait pour son budget de campagne pour le Conseil Municipal s'ajoutent au moins 80'000 francs et 30'000 francs de réserve pour le Conseil administratif... Mais le cas le plus exemplaire est celui du PDC de la Ville, et de son candidat au Conseil administratif, sponsorisé par les milieux immobiliers. Michel Chevrolet a reçu «personnellement» des dons pour au moins (ce n'est que le chiffre qu'il avoue) 120'000 francs, qui s'ajoutent au budget du parti qui le présente. Le candidat de la Chambre genevoise immobilière a beau assurer que les milieux immobiliers n'ont fourni que la moitié de son petit matelas électoral « personnel », ce qui serait déjà considérable, et que « ces appuis n'influencent pas (sa) campagne », personne, pas même lui, n'y croit. Et le PDC, qui est le plus petit parti du Conseil municipal, celui qui a le moins d'électeurs, se retrouve ainsi avec le plus gros budget électoral (450'000 francs, au moins) derrière celui des libéraux-radicaux fusionnés, et loin devant le premier parti de la Ville, le PS... Il est vrai, et sain, que les résultats électoraux ne dépendent pas encore totalement des moyens financiers engagés dans les campagnes électorales, et soient encore pour une bonne part le fruit des engagements militants : il y a quatre ans, A Gauche Toute a dépensé moins de 30'000 francs pour faire élire Rémy Pagani au Conseil administratif. Mais il est vrai aussi que la marchandisation de la politique conduit à fausser totalement le débat démocratique -raison pour laquelle la droite refuse obstinément de plafonner les dépenses électorales, et que si elle est d'accord (sauf l'UDC, qui compte sur ses sponsors) de recevoir de l'argent public, elle ne l'est pas de renoncer à la manne privée dont elle bénéficie, pas plus d'ailleurs que ses sponsors n'entendent renoncer au retour politique sur investissement qu'ils attendent. Chevrolet n'est pas financé pour rien par les milieux immobiliers. Un commis de régie, ça se paie. Et ça se rentabilise.

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