Initiative sur le retour des notes de comportement : Rassurer Papa et Maman

L'Association « refaire l'école » (Arle) a donc lancé une initiative pour le rétablissement des notes de comportement dans l'école genevoise, ce qui nous submerge de souvenances du temps où, de telles notes, nous en récoltions de négatives (en dessous de zéro) avec une assiduité digne de bien plus d'éloges que nous en reçûmes. Inutile de dire que, vu l'ambiance générale du temps, on va pouvoir avec délectation se la jouer vieux cons nostalgiques : cette initiative a toute les chances d'aboutir et, en votation, d'être acceptée par le peuple des parents d'élèves, que ce genre de hochets rassure : leurs chères têtes blondes sont surveillées, puisqu'elles sont notées. ça ne change rien au contenu des dites têtes, mais ce ne sont pas à elles qu'on demande leur avis : ce sont à leurs géniteurs et génitrices. Parce que eux, les géniteurs et génitrices, ont le droit de vote. Et n'ont jamais entendu parler de Jean Vigo.

Socio-déconstructivisme

Un spectre hante l'école genevoise : le socio-constructivisme. Personne, hors les chasseurs de ce fantôme, ne sait au juste ce que c'est (une conception pédagogique qui privilégie la relation et les interactions dans l'apprentissage, et donc le travail collectif au rapport maître-élève), mais le mot même glace : il vous a une petite musique bolchévique qui fait irrestistblement penser à la Loubianka bien plus qu'à Maïakovski. Bref, quand on n'a plus grand chose à dire d'intelligent sur l'école, le « socio-constructivisme » est là, prêt à l'usage : vous l'agitez devant la foule parentale et la foule parentale, qui n'avait jamais entendu parler de ce spectre avant que vous ne vous mettiez en tête de l'exorciser, vous supplie de l'en débarrasser : pensez, une méthode qui suggère que l'enseignant ne soit pas seulement un dévidoir de savoirs, mais aussi un animateur, un provocateur d'apprentissage autonome ! Dans une société que sa propre évolution panique, face à des parents qui, ne sachant plus où ils en sont eux-mêmes, attendent de l'école qu'elle dise (à leur place ?) à leurs enfants où il convient d'aller, une telle méthode fait tache. Alors que la note, elle, rassure. Et on a affaire à un public -les parents- qui a besoin d'être rassuré. A qui on doit donner « un signal clair ». Un signal de quoi ? Que le temps des certitudes simples est revenu. Distribuons donc des notes. Elle est certes arbitraire, simpliste, normative, la note, mais elle est simple à comprendre. Et la note de comportement, plus simple encore à comprendre que toutes les autres. Et surtout, plus simple à concrétiser que les réponses à donner aux vrais et triviaux problèmes de l'école genevoise, sur lesquels il conviendrait tout de même de se pencher un peu, fugacement : des problèmes de moyens, pas des problèmes de fantômes. Le nombre d'enseignants de l'école primaire se réduit, le nombre de classes primaires diminue -mais le nombre d'élèves est stable. Le résultat est bêtement arithmétique : le nombre d'élèves par enseignant augmente, c'est-à-dire que le taux d'encadrement se réduit. Arithmétique, le résultat est aussi qualitatif : les conditions de travail des enseignants se dégradent, et donc la qualité de l'enseignement est menacée. Pour contrecarrer cette évolution, ce véritable « socio-déconstructivisme », il faut des moyens. Le DIP avait planifié une diminution du nombre d'élèves par classes, il a dû y renoncer au nom de la rigueur budgétaire. Et les choses ne vont pas s'améliorer : la population du canton augmente, et pas seulement celle des vieillards - celle des jeunes femmes et hommes en âge d'avoir des enfants, ou ayant de jeunes enfants, augmente aussi. D'où un besoin scolaire accru. Auquel on ne répondra pas sans moyens humains, et donc financiers supplémentaires. En revanche, la note de comportement, c'est gratuit. Totalement gratuit, dans tous les sens du terme : ça ne coûte rien et ça ne sert à rien, mais ça fait croire qu'on se préoccupe du sort de l'école et des élèves. « Lâcher une note dans (le milieu « pédagogiste ») c'est mettre un chat dans le bal des souris », croit subtil d'écrire dans Le Temps l'un des chasseurs du fantôme « constructiviste » dont le nom présentement nous échappe. Un chat ? Essayez donc de noter un chat, pour voir...

Commentaires

Articles les plus consultés