La caisse unique, et après ?

La gauche et les organisations de consommateurs relancent une initiative pour une caisse unique, après l'échec, en 2007, d'une première tentative du genre, balayée par plus de 70 % des suffrages. A la différence de cette première initiative, la nouvelle ne retient plus le principe de la prime en fonction du revenu, qui avait servi à la droite (et aux caisses) d'épouvantail pour classes moyennes. Le projet proposé aujourd'hui permettra certes une simplification du système d'assurance-maladie, et le rendra plus transparent, mais au fond, il ne changera pas ce système et ne touchera à aucun de ses défauts majeurs : la « prime par tête » indifférente au revenu de l'assuré-e, et la référence aux coûts de la santé. Il faut donc considérer la nouvelle initiative pour une caisse unique comme un premier pas, et la soutenir à ce titre. Mais un premier pas qui devra être suivi d'autres, pour une véritable assurance-maladie « sociale », c'est-à-dire équitable et tenant compte de la situation des assuré-e-s plutôt que des intérêts des caisses-maladie.

L'ombre de la caisse unique et le bonneteau des primes

En adoptant la LAMAL en 1996, le peuple a accepté l'obligation faite à toutes et tous de s'assurer contre le risque de maladie, cette obligation étant considérée comme la concrétisation d'un droit -le droit à la santé et aux soins. Mais si l'adoption de la LAMAL a permis de sortir d'un système où les primes variaient selon les risques, le sexe et l'âge, elle n'a pas permis de s'affranchir des inégalités de primes selon les régions et les caisses, ni de la concurrence entre les caisses, ni de l'inégalité de la charge de l'assurance sur le budget des personnes et des ménages, puisque les primes ne varient pas en fonction du revenu, alors même qu'il s'agit d'un prélèvement obligatoire. Bref, on est sorti d'un système lacunaire, mais on est resté dans un système inégalitaire, et «antisocial », d'autant plus que les assureurs actuels n'ont plus rien à voir avec les «mutuelles » d'il y a un quart de siècle : ils sont devenus des entreprises capitalistes actives sur un marché d'autant plus lucratif que les clients sont captifs : un marché suisse de vingt à soixante milliards de francs, selon que l'on considère le seul marché de l'assurance-maladie ou l'ensemble du marché de la santé, puisque assurance et santé sont des marchandises. La caisse unique, si elle n'épuise certainement pas à elle seule le champ de la réforme nécessaire, aura pour avantage d'écraser les écarts de primes entre assurés d'un même canton, de mettre fin au gaspillage de ressources consacrées par les caisses à se faire concurrence, et de réduire considérablement les coûts administratifs de la « gestion » des assurés (les frais administratifs des assureurs représentent actuellement 5 % des coûts de la santé, soit plus d'un milliard de francs, dus en grande partie à la migration des assurés d'une caisse à l'autre à la recherche de la moins chère -qui ne le sera que pour un an), mais elle maintiendrait les écarts entre cantons, même pour des prestations identiques, et l'inégalité de la charge de l'assurance-maladie selon le revenu, les moins riches y consacrant jusqu'au quart de leur revenu, les plus riches n'y laissant que quelques plumes, quelques pourcents, et parfois même moins d'un pourcent. Le combat pour la caisse unique sera rude et, matériellement, inégal : pour les caisses, ce sont des milliards qui sont en jeu. Les assurances vont donc investir des millions pour se les garder, ces milliards, et combattre l'initiative pour une caisse unique. Elle feront tout pour maintenir le système actuel en place. Tout, jusqu'à l'arnaque : on peut parier, sans grand risque de perdre son pari, que les augmentations de primes vont subitement se ralentir au fur et à mesure que la date du vote de l'initiative approchera, pour reprendre l'ascenseur ensuite, si les caisses et la droite gagnent. Tous les jeux de bonneteau ne se font pas dans les rues.

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