Le Président du Conseil d'Etat, ou comment s'en débarrasser ?

Le boulet

Fin février, la Maire de Genève recevait le Président du Conseil d'Etat, dans une petite cérémonie coutumière organisée chaque année par la commune de domicile du nouveau président du gouvernement. ça n'a l'air de rien, dit comme ça, juste un rite, un bon procédé entre la Commune et la République, mais ça prend un peu plus de sel quand la Maire s'appelle Sandrine Salerno et le président Mark Muller. Autrement dit : quand la responsable politique de la Gérance immobilière municipale, critiquée pour avoir fait passer, et appliquer, un règlement qui fixe les loyers en fonction du revenu, reçoit le responsable politique de la Gérance Immobilière cantonale, dénoncé pour avoir laissé louer des logements, des locaux commerciaux, des bâtiments, à des prix tiersmondistes, puis avoir joué les andouilles en faisant mine de l'apprendre alors que l'Inspection des finances l'en avait averti depuis six ans et la Cour des Comptes depuis trois ans, et enfin tenté de nous faire le coup du « c'est l'héritage du régime précédent », la faute à Moutinot, la faute à Grobet ou la faute à Braillard.

Vers le rachat de la Gérance immobilière cantonale par la Gérance immobilière municipale...

Mark Muller n'a pas de pot. Envasé dans le scandale des logements « à prix d'ami » (350 francs pour un cinq pièces, 500 francs pour une villa entière, 880 francs pour un neuf pièces...), noyé dans le boxon de ses services, entarté par les citoyens, qui ont sèchement refusé son beau projet de fusion des fondations immobilières, mollement soutenu par son parti et ses alliés, le voilà devenu le maillon faible du Conseil d'Êtat et le boulet de la droite, en pleine campagne électorale municipale, et à dix mois des élections fédérales. Le MCG et l'UDC a sauté sur l'occasion pour demander la démission de MM du Conseil d'Etat. De son côté, patelin, le PS se contente de proposer de « décharger (Muller) de son mandat de président du Conseil d'Etat (...) afin de lui permettre de s'atteler entièrement à la tâche de remise à niveau de son département». Quant au MCG, qu'on aurait été assez surpris de ne pas voir sauter sur l'occasion comme un morpion sur une couille, il demande la démission de Mark Muller du Conseil d'Etat et dépose une dénonciation pénale, histoire de se refaire une posture de défenseur de la morale politique et de la rigueur immobilière, après avoir soutenu l'amnistie des fraudeurs fiscaux et la fusion éléphantesque des fondations immobilières. Mais de quoi s'étonne-t-on, au juste ? Mark Muller a bien été posé, par les milieux immobiliers, là où il siège aujourd'hui, pour n'y faire que ce qu'il y fait, Et ne pas y faire ce que son homologue en Ville de Genève, Sandrine Salerno, a fait (non sans résistances, d'ailleurs) : établir un règlement d'attribution excluant les passe-droits, fixant les loyers en fonction des ressources des locataires et non de ce que « dicte le marché », et se tenir à ce règlement. Mais c'est sans doute trop demander à Mark Muller, dont les parrains politiques ne sont pas au bout de leurs problèmes : L'Asloca a en effet lancé une initiative qui les met en rage : une initiative contre les « congés-vente », cette pratique, qui refait surface, de résiliation du bail d'un-e locataire pour vendre son appartement -quitte à le lui vendre à lui ou à elle, au prix fort, en comptant sur la crise du logement pour ne pas lui laisser d'autre choix que celui d'acheter ou partir. « L'inertie de l'Etat et le laxisme (de Muller) ont provoqué une grave détérioration de la situation des locataires », constate l'Asloca. Et le député libéral Christophe Aumeunier, secrétaire général et porte-parole au parlement de la Chambre genevoise immobilière a beau tenter de parer le coup en décrivant l'Asloca comme « un boxeur ivre qui frappe de tout côtés», il sait bien qu'en réalité, l'association s'en prend précisément à ses maîtres à lui, Aumeunier, que quand elle lance une initiative, celle-ci aboutit, que quand le peuple est appelé à voter, il la vote et que quand elle appelle à refuser un projet soutenu par les milieux immobiliers, il le refuse. D'où l'obstination des milieux immobiliers à tout tenter pour que les initiatives de l'Asloca ne soient pas soumises au peuple mais au Tribunal fédéral. Et accessoirement, à tenter de placer l'un des leurs, Chevrolet, à l'Exécutif de la Ville, comme ils ont réussi à placer Muller au gouvernement cantonal, afin de réaliser le grand rêve de la droite : que la Ville fourgue ses logements à des régies privées et les loue « au prix du marché ». A 2000 balles le studio, prix d'appel. Est-il utile d'ajouter que « ce que dicte le marché», on s'en fout, qu'on a passé l'âge des dictées et que c'est des besoins des gens et de leurs moyens de les satisfaire, que la Ville a à se préoccuper ? Au fond, la gérance immobilière cantonale, la gérance immobilière municipale devrait proposer de la racheter. Pour un franc symbolique. Mais sans Muller : que la droite se le garde, son boulet...

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