Prestations municipales aux rentiers AVS et AI: La Ville résiste -et gagne.

De l'utilité d'une Municipalité de gauche face à un canton de droite : dans un communiqué, la Mairie de la Ville de Genève et le département de la cohésion sociale annoncent que « contrairement à ce que le Conseil d’Etat avait bruyamment annoncé à la veille du vote du budget de la Ville, ce dernier a renoncé à annuler ledit budget ou la ligne budgétaire » qui permet de financer les prestations municipales aux rentiers AVS et AI). « Malgré de nombreuses déclarations d’intention depuis plus de quatre ans, (le Conseil d'Etat) n’a pas osé priver les rentiers genevois de prestations dispensées depuis 28 ans », peut donc se féliciter la Municipalité. La proximité des élections municipales n'est sans doute pas pour rien dans la volte-face du canton, mais peu importe : résister, ça paie, et les seuls combats perdus d'avance sont ceux qu'on renonce à mener.

Passer du contre-pouvoir à l'alternative...

Ainsi, le gouvernement cantonal a fini par admettre, ce qu'il niait depuis quatre ans : que la Ville de Genève pouvait continuer à délivrer les prestations municipales aux retraité-e-s et aux invalides qui les perçoivent déja. Pour la gauche municipale, c'est une victoire. Et pour la droite municipale qui avait à peu près tout tenté pour aligner la Ville de Genève sur l'apolitique asociale des communes les plus réactionnaires du canton, une claire défaite. Genève ne s'alignera pas sur Céligny. Mais le gouvernement cantonal a tout de même trouvé le moyen de sauver la face (aux frais des plus démunis, mais comme la clientèle électorale de sa majorité n'en est pas, ça ne lui coûte rien) : il conteste la possibilité d’admettre de nouveaux bénéficiaires à ces prestations. La Ville « s’interroge sur le bien-fondé de cette décision, qui aurait pour conséquence d’exclure à l’avenir de potentiels bénéficiaires qui appartiennent aux catégories les plus vulnérables de la population, et d’introduire une inégalité de traitement » entre des personnes à la situation comparable, mais dont les unes bénéficieraient de droits acquis niés aux autres, et l'exécutif municipal assure qu'il « n’abandonnera pas ses habitant-e-s les plus précarisé-e-s et qu'il se battra sur les plans juridique et politique afin de préserver leurs droits et de leur garantir les moyens de mener une existence digne ». Tout cela est fort bon, et les forces politiques qui se sont battues pour que la Ville ne recule pas face aux rodomontades du canton peuvent à bon droit se féliciter d'avoir eu gain de cause -et savourer le plaisir d'une belle déconfiture des porte-valises municipaux de la droite cantonale. Reste que cette passe d'arme pose une vraie question politique, à laquelle son issue ne répond pas : comment passer du statut de contre-pouvoir au rôle d'alternative ? il n'est personne à gauche qui n'aimerait faire autre chose de la Commune que la condamner à boucher les trous de la politique sociale du canton, mais il se trouve que, de démantèlement social en démantèlement social, de reports de charges en reports de charges, de la Confédération sur les cantons, des cantons sur les communes et des communes de droite sur les personnes, la Ville, dans ce canton, contre le canton, malgré le canton, doit assumer des responsabilités qui devraient être celles du canton. Et lorsque nous écrivons ici « la Ville », nous devrions écrire « la majorité politique de la Ville », la gauche municipale. S'il y a des hommes et des femmes à Genève qui ont besoin pour vivre correctement des 185 francs que la Ville leur accorde chaque mois en complément de ce que le canton leur accorde, c'est bien que le canton ne leur accorde pas assez. C'est aussi simple, aussi trivial, aussi brutal que cela. Si nous sommes en Ville contraints de jouer les pompiers alors que notre vocation serait plutôt celle d'incendiaires, c'est bien que sévissent des pyromanes sociaux : ceux qui depuis des années s'attaquent à l'assurance-chômage, à l'assurance-invalidité, à l'assurance-vieillesse, qui viennent de supprimer le revenu minimum cantonal d'aide sociale -et ce sont les mêmes qui niaient à la commune le droit d'aider les victimes de leurs propres politiques. La Ville de gauche est un contre-pouvoir qui aujourd'hui s'attache à combler les béances de la politique sociale du canton et de la Confédération; elle pourra cesser de le faire quand les majorités politiques du canton et de la Confédération cesseront de les ouvrir, ces béances, et, constamment, de les agrandir. D'ici là, des épisodes comme celui des prestations municipales aux rentiers AVS et AI illustrent au moins, très concrètement la nécessité du contre-pouvoir qu'exerce à Genève une Municipalité de gauche.

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