Vernier, terre de contrastes et laboratoire politique

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Il s'en passe des choses, à Vernier, deuxième ville genevoise avec ses 35'000 habitants, et laboratoire politique de deux expériences successives, l'une déjà tentée, et calamiteuse (là, le laboratoire est plutôt celui du docteur Frankenstein), celle de l'accession d'un MCG à un exécutif, et l'autre, tentée pour l'en déloger, celle d'une sorte de « front républicain » à la genevoise, entre la gauche (en l'occurrence les socialistes et les Verts) et ce qui subsiste dans cette commune d'une droite démocratique pas totalement oublieuse de ses propres origines : si le candidat libéral s'allie à la gauche pour purger Vernier de son parasite MCG, l'UDC appelle au «regroupement de toute la droite », le PDC envisageait d'inclure l'UDC dans l'Entente et les radicaux, absents du Conseil municipal, étaient prêts à tout et à n'importe quoi pour y revenir...

Passer une alliance électorale comme on s'achèterait une pommade contre les mycoses politiques

Il nous souvient d'un second tour de l'élection présidentielle française, opposant Chirac à Le Pen. Et de toute la gauche appelant à voter Chirac. Et jusqu'à des anarchistes, pour la première fois de leur vie politique, se disant que le « piège à cons », cette fois, n'était pas l'élection mais l'abstention, et se résignant non seulement à appeler à voter, mais même à voter pour un homme de droite. Toutes dissemblances entre les espaces politiques, les candidats et l'importance de l'enjeu gardées en mémoire, c'est un peu du même type de choix qu'il s'agit à Vernier. Bien sûr, le roquet verniolan n'est pas Le Pen, mais on fait avec ce qu'on a. Et ce qu'on a à Vernier, c'est le degré zéro de la politique. Pas le fascisme, mais un cocktail purgatif de déloyauté, de démagogie et d'incompétence. Le libéral Pierre Ronget va se retrouver sur la même liste que le socialiste Thierry Apothéloz et le Vert Yvan Rochat, pour déloger de son bac à sable le MCG Thierry Cerutti. Cette acceptation par le libéral d'une alliance avec la gauche lui a déjà valu plus que des remontrances des baillis libéraux cantonaux, plus enclins à lorgner sur l'électorat d'extrême-droite qu'à pactiser avec la gauche, fût-elle modérée (la «gauche de la gauche » étant, à Vernier, réduite à pas grand chose). Mais qu'est-ce à dire, le « je ne serai pas le Pétain de Vernier » de Pierre Ronget ? Que le emcégiste Thierry Cerrutti est un fasciste, qu'avec lui, Vernier c'est Vichy ? Non : plutôt que son « fonctionnement erratique » rend impossible un travail commun avec lui, illusoire toute tentative de lui faire faire le travail pour lequel il a été élu -et au bout du compte, empêche Vernier d'assumer pleinement son rôle de deuxième ville du canton et d'assumer les compétences qui sont les siennes. La présence d'un Cerutti dans un exécutif municipal est un accident (une élection partielle après une élection annulée pour fraude) qu'il ne faudrait pas durablement se résigner à voire traduire en handicap. Or le système électoral genevois est un système où il suffit d'un tiers des suffrages pour être élu au premier tour, pour peu qu'on arrive à se hisser dans les trois (à Vernier), cinq (en Ville de Genève) ou sept (dans le canton) places disponibles. C'est à cette faiblesse du système que Vernier a dû d'être gratifiée d'un Maire MCG, ou que Genève pourrait être gratifiée d'un Conseiller administratif MCG présenté par le PDC, mais c'est aussi grâce à cette même faiblesse qu'il est possible de les envoyer paître ailleurs. Il n'a certes pas été aisé pour la base socialiste verniolane d'accepter un compromis politique se traduisant par une liste commune avec un libéral -pas plus qu'il serait aisé pour la base socialiste en Ville de Genève d'accepter, le cas échéant, de soutenir Maudet contre Chevrolet. Mais il ne s'agit pas de conclure un programme commun, il s'agit de passer une alliance électorale comme on s'achèterait une pommade contre une mycose politique. Elle a été difficile à conclure, cette alliance, exceptionnelle, de la gauche avec un homme de droite -cette droite fût-elle une droite humaniste dont on a de plus en plus de peine à retrouver les survivants. Mais il aurait été plus difficile encore de justifier qu'on ait pu, en refusant une telle alliance, favoriser la réelection d'un magistrat parasitaire, issu d'un parti dont on rappellera qu'il vient de s'illustrer en défendant deux propositions de la droite affairiste : l'amnistie des fraudeurs fiscaux et la pachydermisation des fondations immobilières. Le MCG roule de travers, en zigzag et à contresens, mais c'est toujours pour la droite d'argent qu'il roule, et c'est son propre électorat populaire qu'il roule.

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