Vers la suppression du Revenu minimum cantonal d'aide sociale ?

Les dominos de l'exclusion

Une majorité (la droite, sans les libéraux et l'UDC, mais avec le MCG et les Verts) de la commission sociale du Grand Conseil genevois avait proposé une révision de la loi sur l'aide sociale individuelle pour abolir le revenu minimum d'aide sociale (RMCAS) dont bénéficiaient en septembre dernier 3470 personnes -des chômeuses et chômeurs en fin de droits , qui passeraient alors directement à l'assistance, comme le millier et demi de personnes, au moins, que la révision de la loi fédérale sur le chômage va contraindre, 1er avril, au même parcours. La révision de la LASI a été votée par le Grand Conseil (les Verts ayant finalement rejoint le camp de l'opposition. Un référendum a été lancé. Il est prêt, nous sommes prêts, pour un débat sur l'effet domino d'une politique qui, renvoyant les chômeurs à l'assistance, nourrit l'exclusion sociale.


De la bétaillère comme instrument de politique sociale


Pour mettre fin au Revenu minimum cantonal d'aide sociale, la droite, avec l'apport des Verts, avait monté un succédané de mesures d'insertion pour «réduire la distance à l'emploi », mais qui réduira surtout la distance à l'exclusion sociale, après un passage par un stage d'évaluation d'un mois, un diagnostic de l'« employabilité » (le mot seul dit l'intention...) du/de la candidat-e, suivi d'un « plan de réinsertion professionnelle » ou d'un «accompagnement social de restauration» ou de «socialisation ». En quels jolis termes sont dites ces choses qui en réalité se résument à un chiffre : un tiers d'allocations en moins pour celles et ceux qui seront arrivés au bout de ce chemin de croix bureaucratique. Résumons donc la logique des décisions prises ou à prendre, tant au niveau fédéral qu'au niveau cantonal -une logique qui est celle de la théorie des dominos : L'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le chômage réduira le nombre de chômeuses et chômeurs dans les statistiques, en les transformant en assistés. La suppression du RMCAS cantonal genevois réduira les moyens de subsistance des assistés, et finira bien par augmenter le nombre de mendiants, visibles ou non. La loi cantonale genevoise interdisant la mendicité, on finira bien par retrouver plus de mendiants en prison -et ça tombe bien, si, conjoncturellement, Champ-Dollon est un peu moins suroccupée qu'il y a deux mois, on va construire tout un tas de nouvelles prisons. Où on pourra, cet enthousiasmant programme carcéral terminé, enfourner plus de 1000 personnes, soit l'équivalent d'un habitant de Genève sur 500. Une sorte de record européen. Bref : moins de chômeurs, plus d'assistés, plus d'assistés plus de pauvres, plus d'anciens assistés désormais sans assistance, plus de mendiants, plus de prisonniers... La logique de ce processus est imparable. Imparable, mais politiquement imparfaite. Il faudrait être capable de la résumer, de la rationaliser, de la simplifier. Parce que tout de même, pour passer du chômage à la prison, il y a encore quelques étapes à franchir dont on pourrait se passer, quelques dominos superfétatoires dont les oscillations font perdre un temps précieux dans le Grand Œuvre d'assainissement social auquel ce pays, et quelques politicards locaux, se vouent. D'où notre proposition (mise en musique politique sous forme d'une résolution déposée au Conseil Municipal de la Ville de Genève) : mettre directement les chômeurs en prison. Pour gagner du temps. En retrouvant au passage une bonne et saine tradition stalinienne, fondée sur un syllogisme imparable : notre société étant le meilleur des mondes possibles, elle ne connaît pas le chômage. Il n'est donc pas possible d'y être chômeuse ou chômeur. Celles et ceux qui ne travaillent pas sont donc des parasites. Et le parasitisme, ça se punit, ou ça se rééduque. Par le travail, mais forcé. Pourquoi dès lors s'en tenir petitement à la construction de nouvelles prisons ? Ce sont des camps de travail qu'il nous faut. Enfin qu'il leur faut à elles et à eux, ces chomeuses et chômeurs en début, en milieu et en fin de droit. Parce qu'enfin, une société bien organisée n'est-elle pas une société qui ne laisse personne au bord du chemin, quitte à user pour les ramasser de la bétaillère de la prison ?

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