20'000 chômeurs en fin de droit de plus, d'un coup : Ceci n'est pas un poisson d'avril

Lorsque vous lirez ces lignes, notre beau et laborieux pays aura compté, d'un coup, d'un seul, 20'000 chômeuses et chômeurs en fin de droit de plus. Qui osera encore dire que les Suisses sont lents ? Quand la Suisse officielle veut être rapide, elle y arrive : l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le chômage, acceptée par la majorité des votantes et des votants (mais refusée par tous les cantons latins) en septembre dernier, et appliquée brutalement, sans dispositions transitoires, et de fait avec effet rétroactif, va faire buter, en une nuit, plus de 2300 personnes sur la fin de leurs droits à l'indemnisation contre le chômage.

NON à la précarisation des chômeuses et des chômeurs, NON à l'exclusion sociale

18'000 personnes sont déjà enregistrées à l'aide sociale à Genève ? ce n'était donc pas assez, des centaines d'autres vont les rejoindre chaque mois, passant de l'indemnisation du chômage à l'assistance sociale, avant que d'en être réduits à charité publique ou privée. Et dans tous les cantons, ce sera la même chose : la révision de la loi fédérale va frapper un quart des chômeuses et chômeurs à Neuchâtel, un sixième à Genève et dans le Jura, un septième dans le canton de Vaud. Les syndicats genevois ont dévoilé mercredi un manifeste pour « une autre politique cantonale en matière de chômage », et le Parti socialiste va déposer un projet de loi compensant par des prestations cantonales la perte des prestations provoquée par l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale -un projet de loi qui pourrait être transformé en initiative populaire, comme d'ailleurs les propositions du manifeste syndical, si la majorité politique, parlementaire et gouvernementale dont ce canton s'est affublé depuis deux ans devait persister en son autisme, ou son indifférence, ou son cynisme (c'est au choix, mais sans exclusive) face à la situation vécue par des milliers de personnes dans cette prospère République. Une République qui avait d'ailleurs refusé à 60 % les modifications de la loi fédérale qui sont entrées en vigueur dans la nuit de jeudi à vendredi. Ce refus populaire est un mandat : les syndicats et la gauche s'en sont saisis, il ne serait pas totalement déplacé, en démocratie, que le gouvernement et le parlement en fasse autant -quoique nous ne cultivions guère d'illusions à ce sujet. A Genève, pour faire face à la multiplication par dix du nombre de nouveaux dossiers d'aide sociale, la mesure la plus emblématique prise par nos zautorités aura été l'aménagement d'une nouvelle salle d'attente à l'Hospice Général. Face à ce véritable déni de réalité doublé d'un refus de solidarité, le tout nappé de vagues discours sur la réinsertion, décoré de statistiques relookées pour les purger de la présence importune des chômeuses, des chômeurs, des working poors, des assistées et assistés sociaux , avec, en arrière-fond, la succession de décisions prises depuis des mois contre les assurances sociales, contre les revenus compensatoires, tout cela pour purger les statistiques et les discours politiques de la présence importune des chômeuses, des chômeurs, des working poors, des assistées et assistés sociaux... il n'y a guère que deux attitudes possibles : arrêter la machine à exclure, ou la révéler. La première attitude, c'est celle du combat pour inverser le mouvement, défendre les droits attaqués, rétablir les droits perdus, élargir les droits existants... c'est mener une autre politique, et c'est la logique du manifeste syndical. La deuxième attitude, c'est celle de la mise en lumière la plus crue possible de la logique de l'exclusion sociale qui structure toutes les décisions prises par les majorités parlementaires et gouvernementales depuis des années. Et comment mieux éclairer cette logique que faire mine d'y adhérer, et de la revendiquer hautement et fièrement, quand ceux qui la mettent en œuvre font tout pour ne pas la mettre au jour ? Il faut bien, pour que le parcours de l'exclusion sociale soit évident, le terminer, là où, logiquement, il doit l'être, dans un canton qui multiplie les projets de nouvelles prisons. Une résolution a ainsi été déposée au Conseil municipal de la Ville par un élu socialiste et une élue de solidaritéS, demandant aux autorités de « poursuivre leur effort de rationalisation et de simplification des politiques d'exclusion sociale en général, et des chômeuses et chômeurs en particulier », en mettant en place le plus rapidement possible toutes les mesures susceptibles de faire passer directement les chômeuses et chômeurs de la case licenciement à la case prison. Là où on les verra encore moins que sur les statistiques de Monsieur Longchamp et dans la nouvelle salle d'attente de l'Hospice Général.

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