Déclassement des terrains des Cherpines et des Charottons : Vous n'avez pas de logement ? bouffez du cardon !

Vous n'avez pas de logement ? bouffez du cardon !

Le 15 mai prochain, les citoyennes et yens de Genève auront à se prononcer sur le déclassement de terres agricoles, dans la plaine de l'Aire. Sur ce déclassement, et seulement sur ce déclassement. Sur aucun projet précis. A une question aussi incomplète, on ne pourra répondre que de manière insatisfaisante, en compagnies plus ou moins souhaitées : dire OUI au déclassement, avec les syndicats et le Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement, mais aussi avec la droite traditionnelle, pour permettre la construction de logements (Genève en construit chaque année mille de moins qu'il faudrait, et ce déficit est cumulatif). Ou dire, avec les Verts et solidaritéS, mais aussi avec l'UDC, NON au déclassement, et donc NON à tout projet, même à un projet de logements sociaux. Dilemne. Que tranche la situation même d'un centre urbain qui exporte ses habitants à sa périphérie, tout en continuant d'importer des emplois. Résultat : des flux absurdes de « pendulaires » en bagnole, faisant une ou deux heures de route chaque jour entre leur domicile et leur lieu de travail. Nous choisirons donc de dire OUI. Parce qu'il y a des priorités. Parce que le droit au logement nous importe plus que le droit aux cardons.

Extension du domaine de la lutte déclasse

Dans la plaine de l'Aire, des terrains agricoles peuvent être déclassés. Sur ces terrains peuvent se réaliser des projets fort différents, et même assez contradictoires. Le projet initial est mauvais : pas assez de logements, pas assez de logements sociaux, un centre sportif et un parking surdimensionnés -mais ce n'est pas ce projet (ni d'ailleurs aucun autre) qui est soumis au vote populaire le 15 mai prochain, c'est le déclassement des terrains agricoles, préalable à tout projet, celui que nous récusons comme celui que nous pourrions soutenir, qui comprendrait le plus grand nombre possible de logements et d'entre eux la plus grande proportion possible de logements sociaux, excluerait un centre sportif mégalo et un parking gonflé aux hormones. Un projet « alternatif » à celui présenté initialement par l'ineffable Mark Muller est donc possible, mais avec comme condition préalable le déclassement des terrains agricoles sur lesquels il devrait se faire. Après quoi, il conviendra de se regrouper, et de se battre pour sa réalisation -celle d'un projet digne de ce nom, digne des besoins, et d'un « droit au logement » dont toutes les forces politiques (ou presque) acceptent la proclamation, mais dont fort peu acceptent la concerétisation, dans un espace donné, lorsqu'il s'agit précisément de le concrétiser. Du logement ? Oui, il en faut. Mais pas à côté de chez moi. Et encore moins sur MON terrain. Nous prendrons quant à nous la position que nous inspire la doxa de la « Gauche Anchois », et que requiert la situation faite aux habitants d'un canton où les loyers ont augmenté de plus de 60 % en dix ans, où la proportion de logements vacants est dix fois inférieure à celle qu'elle devrait être et où la pratique des « congés-vente » reprend du poil de la bête. Et cette position est fort simple : Genève ne manquant pas de cardons mais de logements, et surtout de logements sociaux, il est aujourd'hui, aux Cherpines et aux Charottons comme aux communaux d'Ambilly, plus important de se donner l'espace nécessaire à la construction de logements sociaux que de maintenir l'espace nécessaire à la production de cardons. Fussent-ils épineux, AOC et produits sur des terres promues, pour l'occasion (par qui, d'ailleurs ?), « les plus fertiles du canton » (le cimetière Saint-Georges mis à part, sans doute). Comme si notre regard devait s'arrêter aux limites du canton, comme si la plaine de l'Aire commençait à la frontière, comme si le Cardon d'au-delà valait moins que le cardon d'en-deçà. Le cardon, en fait, on n'en a pas grand chose à cirer, et peu nous chaut qu'on le cultive à Plan-les-Ouates ou à Saint-Julien -l'agriculture de proximité tient compte des distances, pas des frontières, et le cardon du Genevois est aussi genevois que le cardon de Genève. Dire vouloir « sauver l'agriculture de proximité » en s'accommodant du logement des salariés genevois à cinquante kilomètres de leur lieu de travail relève au mieux de l'imbécilité, au pire de l'irresponsabilité -une irresponsabilité du même genre que celle que l'histoire (ou la légende) prête à Marie-Antoinette, répondant à une manifestation de femmes parisiennes venues à Versailles supplier que l'on nourrisse la population affamée : « Vous n'avez pas de pain ? mangez de la brioche ! ». Traduction en patois genevois contemporain : « Vous n'avez pas de logement ? Bouffez du cardon !». Et sauvez la planète. En vous contrefoutant du sort de votre voisin. Ou en l'expédiant se loger à Bellegarde, et en le contraignant à faire une heure de bagnole chaque jour pour aller bosser.

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