Les Justes

Le sort des justes est de guetter la mort et la résurrection
dans le parfum des mots et la parole des fleurs.
Toute leçon de sagesse est un défi aux lois,
par la force terrifiante et le sens tragique du rire.
La jeunesse délire en de multiples écoles mais passent ses transgressions,
restent ses passions.
La tyrannie des monstres nous apprend à vivre
dans le temps où elle nous fait mourir.

Nous voyageons parmi les indomptables en de salutaires cortèges
Ce qui nous porte est la nostalgie de chemins souverains.
Lire dans ce monde hâtif les poètes assassinés est un privilège d'aristocrate
comme un désir d'être Dieu.
Vaincus, condamnés, nous serons la hantise des transfuges,
souverains portés par nos passions.

Les mots sont dangereux qui font l'éloge de l'insouciance.
Il y a dans ces paroles le bonheur de l'idée perdue,
Inoffensive mais que l'on veut brûler pourtant,
et qui dure sans vieillir,
cruelle et dérangeante,
imparfaite sorcière d'une foi bouleversante.
Nous sommes entrés dans le siècle avec des allures de promeneurs et des souvenirs de touristes.
Ainsi va le monde,
où l'on croit ce que l'on nous dit jusqu'à ce que quelque révolution mette fin au silence
par un serment ou une histoire,
vivant dans l'espace d'une vie.

La grande traque est lancée, dans l'indifférence du monde.
La bande est formée de chasseurs bestiaux, équarrisseurs de terre.
Ils reconstituent ce puzzle : la nature de l'Homme et celle du monde
et ce qui n'est qu'humain : le rire et la révolte, l'inceste et le meurtre.

Nous expliquons le vivant comme la plus grande magie, mais l'humain résiste
l'Homme blessé parle contre la mort.
Elles ont d'impitoyables vengeances, ces femmes messagères de ce qui leur survit.

La piété a mauvaise vue
la force des nombres n'est pas dans la connaissance des lois cachées
mais dans le silence et l'apparente ignorance.
Les poètes sont dangereux, qui déracinent et éclairent.
Les menteurs seuls savent raconter
avec la vérité de l'ironie et sans le besoin de disciples
les maux du Livre par les mots de l'exil.
Ainsi se disent les appétits des vieux,
leurs confiances intermittentes
leurs amitiés difficiles
avec des mots lents, plus lourds que le poids d'une vie.

Insoumis en fuite, ils ont vingt ans et engrangent l'éternité
pour ne pas mourir sans avoir tracé sillon.
Le mensonge et le mystère sont des conditions de la liberté
On se supporte mal mais on se retrouve dans la vieille complicité des épreuves,
avec toute la force de l'insolence,
avec toute la force du désespoir.

Il n'y a rien d'autre à observer que cette vie à regarder,
que la mort à raconter,
et pour cette narration écrire sa propre nécrologie et se contempler comme un insecte
homme fatigué d'un temps qui parle pour ne rien dire,
comme dans la vie de ces amants couplés,
désormais sans émotion, oublieux des états de grâce...
Ne tirons pas sur ces cadavres : il y a des hospices pour les déshérités
mais point de havre pour les déshumanisés.

Toutes les scènes de la misère ordinaire :
un pigeon sur un toit de pluie puis le même, rôti.

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