Catastrophe nucléaire de Fukushima : La droite suisse irradiée


On s'attendait à une campagne électorale (pour les élections fédérales) dominée, comme d'hab', par les fantasmes xénophobes et les délires sécuritaires de l'UDC, et puis voilà que la terre a le mauvais goût de trembler au Japon, qu'un tsunami y déferle et que des réacteurs nucléaires décident de vivre leur vie. Et du coup, on contemple avec une certaine incrédulité l'exercice de transformisme auquel est en train de se livrer, irradiée, la droite pronucléaire, convertie en catastrophe (le mot s'impose) au principe de précaution. Et on attend avec impatience la demande de l'UDC de convoquer une session spéciale de l'Assemblée générale en prévision d'une vague de réfugiés japonais déferlant sur la Suisse comme un tsunami migratoire.

De l'influence des séismes et tsunamis japonais sur les débats politiques suisses

La catastrophe nucléaire de Fukushima a déjà, localement, dans notre petit coin d'Europe, un effet spectaculaire : la mutation de la droite pronucléaire (à l'exception, pour l'instant, de l'UDC -mais les rupestres sont lents) en partisane convaincue d'une application volontariste du principe de précaution et même, divine surprise, de la sortie du nucléaire. C'est comme on vous le dit. Il nous faut cependant prendre garde à user rapidement des avantages politiques que cette mutation surprenante peut nous offrir : elle est montée comme un soufflé, elle retombera comme un soufflé, l'émoi de l'opinion publique se calmant. Il n'empêche : voir la conseillère fédérale Doris Leuthard, issue du lobby nucléaire, suspendre les procédures d'autorisation de nouvelles centrales et décider de renforcer les exigences de sécurité (« c'est bien, mais pas suffisant », a sobrement commenté le PS), entendre le président du parti radical-libéral, qui avait pourtant commencé par critiquer Leuthard, surenchérir sur elle, ne peut, du moins dans un premier temps, que réjouir celles et ceux qui depuis des lustres se battent précisément pour ce à quoi la droite pro-nucléaire fait aujourd'hui mine de se rallier, et qu'elle avait dépensé beaucoup d'énergie (renouvelable, hélas) pour combattre. Les socialistes et les Verts demandent la mise sur pied rapide d'un programme de sortie du nucléaire, d'arrêt des centrales les plus anciennes, d'économies d'énergies, de développement des énergies renouvelables. Le PS propose une loi de sortie du nucléaire, les Verts un plan d'action , une session extraordinaire du parlement devrait se tenir en juin. Des projets d'économies d'énergie et de soutien aux énergies renouvelables n'attendent que des « feux verts » politiques, et des soutiens matériels : c'est au pied de ce mur là que les apprentis maçons antinucléaires de droite pourront être jugés. parce que sur leurs postures antinucléaires actuelles plâne tout de même planer un léger soupçon d'insincérité. Et qu'il est plus que vraisemblable qu'ils n'attendent qu'une chose : que l'émotion populaire retombe et que la couverture médiatique de la catastrophe japonaise se raréfie, pour reprendre, comme avant, même si plus discrètement, leurs petites affaires. Les projets de nouvelles centrales sont suspendus -pas annulés. ATEL (Aar-Tessin Electricité), qui va fusionner (ou est-ce déjà fait ?) avec EOS (Energie-Ouest-Suisse) dans laquelle les SIG détiennent une participation, a déposé une demande d'autorisation pour la construction d'une nouvelle centrale nucléaire à Soleure, près de l'actuelle centrale de Gösgen. Le projet d'ATEL est devisé, pour l'instant, à sept milliards. Qui seraient fort utile au renforcement de l'offre d'énergie alternative. Les concurrents d'ATEL, AXPO et les Forces motrices bernoises, ont également déposé deux demandes pour de nouvelles centrales, remplaçant celles en bout de course de Mühleberg et de Beznau 1 et 2. Les Verts et le PS ont annoncé qu'ils combattraient par référendum ces demandes si elles étaient acceptées par le parlement,. Elles étaient en effet soutenues par la majorité de droite des Chambres fédérales... avant la catastrophe japonaise, qui a fait, aussi spectaculairement qu'un nuage radiocatif peut s'échapper d'une centrale nucléaire, retourner les vestes plombées des habituels représentants politiques du lobby nucléaire. On ne sait donc pas si vote populaire il y aura (s'il y a, il pourrait avoir lieu en 2012, et si les citoyen-ne-s s'inclinent devant le lobby nucléaire la première des nouvelles centrales pourrait cracher ses gigawatts dès 2025). Et à Genève ? A Genève, il convient, dans l'immédiat de se battre d'abord pour rappeler au Conseil d'Etat qu'il est tenu, par la constitution, d'employer « tous les moyens juridiques et politiques » pour empêcher la construction de centrales nucléaires à proximité de Genève (et Mühleberg est plus proche de Genève que Fukushima de Tokyo), et ensuite pour secouer la Constituante afin qu'elle réintègre, tel quel, l’article antinucléaire de l'actuelle constitution dans la projet de nouvelle constitution.

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