Déclassement de terrains agricoles, mobilité douce : 58ha de ville vivable en plus...

Le déclassement des terrains agricoles de la plaine de l'Aire accepté assez nettement et la mobilité douce acceptée, de justesse, grâce au vote de la Ville et des grandes communes : nos propres pronostics craintifs ont été heureusement déjoués par les votes genevois de ce week-end. Si on y ajoute les bons résultats vaudois (acceptation des allocations complémentaires pour personnes à faibles revenus, presque acceptation du revenu minimum), on aura finalement vécu un dimanche référendaire assez heureux. Reste que ce n'est pas parce qu'un déclassement, ou une loi sur la mobilité, ont été acceptés que les actes politiques les concrétisant vont suivre comme par miracle. Gagner un vote, c'est affaire de rapport de force. Le faire respecter aussi : les logements sociaux n'ont pas encore poussé dans la plaine de l'Aire, et les bagnoles n'ont pas encore quitté la ville... N'empêche : 58 hectares de ville en plus, et d'une ville que la mobilité douce va rendre plus vivable, c'est toujours ça de pris, qui fera du bien par ou ça passera...

Le totem et le tabou

Le Temps rappelait utilement, samedi, l'exemple du Mervelet : en 2006, grâce à une alliance de tous les partis, du Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement et de la Chambre genevoise immobilière, un plan localisé de quartier prévoyant la construction de 600 logements dans le quartier du Mervelet, plan attaqué par un référendum lancé par les habitants des villas du quartier. C'était donc il y a bientôt six ans. Et depuis ? Ben, rien : il aura fallu attendre 2010 pour que la première autorisation de construire (un petit immeuble de 17 logements) entre en force, après moult recours dilatoires. Et actuellement, observe Le Temps, «les seuls travaux du quartier sont le fait d'un habitant qui agrandit sa véranda ». En clair : les cardons des Cherpines ont encore de belles saisons devant eux. Ce qui a été accepté hier, c'est la condition préalable à tout projet d'aménagement urbain (parce que c'est bien de cela dont il s'agit) sur 58 hectares d'ex terrains agricoles. Mais ce que cet aménagement va contenir, quel projet s'y concrétisera, et quand, ce vote n'en dit rien. Il ne dit donc rien du travail qui reste à faire pour que ce projet corresponde réellement aux besoins de la population de Genève, intra et extra muros. Ce sera affaire de rapport de force politique : il faudra bien en constituer un pour que des projets qui rôdent dans les antichambres des décideurs soient extirpés les appendices superfétatoires, voire franchement nuisibles, qui ont failli plomber le vote sur le déclassement : un centre commercial, un parking, un centre sportifs surdimensionnés... De ce point de vue, franchement et ouvertement partisan, l'opposition au déclassement des communes les plus directement concernées (celles de Confignon et de Plan-les-Ouates) est de bonne augure, même s'il tient encore du bon vieux « construire des logements ? d'accord, mais pas devant chez moi». Les villes (de gauche) ont imposé (malgré une partie de la gauche) à leur périphérie le déclassement de quelques dizaines d'hectares de terres agricoles, c'est le premier élément d'un rapport de forces qu'il va falloir constituer pour que le vote sur la plaine de l'Aire n'aboutisse pas à des projets absurdes, et que l'on construise aux Cherpines et aux Charrotons plus de logements, et plus de logements sociaux, qu'envisagés actuellement. Quant à la « mobilité douce », que la Ville de Genève a imposée au reste du canton, parce que c'est elle qui subit le plus directement, et le plus lourdement, les conséquences de l'«immobilité dure » que des décennies de « tout bagnole » nous ont léguées, là encore, un rapport de force nouveau, que le vote d'hier permet, peut se constituer, en s'appuyant précisément sur les villes, puisque si nous pouvons savourer une victoire, acquise sur le fil, à l'arraché, grâce à la mobilisation de leurs habitantes et habitants, à commencer par celles et ceux de la Ville de Genève, nous savons aussi d'expérience que les victoires de ce genre peuvent être effacées, annulées, gaspillées simplement par l'inertie qui les suivrait. Hier, les Genevoises et les Genevois ont brisé à la fois un totem (l'automobile) et un tabou (l'intouchabilité de la zone agricole). Et cet irrespect, même contraint par la situation (la crise du logement, l'engorgement de la ville par les bagnoles) est réjouissant. Comme tout irrespect de ce qui fut sacralisé, fétichisé. Encore faut-il de cet irrespect faire quelque chose de plus que le contentement fugace d'avoir gagné contre deux fétichismes : celui des légumes et celui des bagnoles.

Commentaires

Articles les plus consultés