La « communauté internationale » bombarde Kadhafi


Mouammar, t'es plus mon copain !

La Libye est bombardée, depuis les airs et la mer : sur la base d'une résolution (la résolution 1973), adoptée par 10 voix moyennant l'abstention de la Chine, de la Russie, du Brésil, de l'Allemagne et de l'Inde, le Conseil de sécurité a autorisé les Etats membres « à prendre toutes les mesures nécessaires » afin de « protéger les civils et les zones peuplées de civils sous la menace d'attaques en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant une occupation par la force ». La résolution n'autorise le recours à la force que pour instaurer une zone d'exclusion aérienne. Rien de plus. Qu'en déduire ? Que la « communauté internationale » ne veut pas faire « tomber » Kadhafi ou qu'elle croit pouvoir laisser cette tâche aux insurgés de Benghazi, sauvés de l'écrasement par les avions français et les missiles américains ?

Tripolitaine et tonton ? Cyrénaïque ta mère !

Une coalition est donc intervenue militairement, pour des raisons ou sous des prétextes humanitaires, contre un pouvoir réprimant dans le sang la révolte de « son » peuple. Mais elle a bien choisi ce pouvoir, et cette révolte. « Nous ne pouvons rester les bras ballants quand un tyran dit à son peuple qu'il ne fera pas de quartier », déclare Barack Obama. Tout dépend du tyran : Au Bahrein et au Yemen aussi on tire sur les manifestants : la « communauté internationale » intervient-elle ? Non. C'est l'Arabie Saoudite qui le fait, mais aux côtés des régimes en place, et pour les défendre. Parce qu'eux sont encore fréquentables. Et que ceux qui s'y opposent n'ont pas reçu le label de « démocrates », décerné, comme nul ne l'ignore, ni ne doit en être perplexe, par les Etats-Unis, l'OTAN, la Ligue Arabe et l'Union Européenne. Au Bahreïn, ce sont les chiites que l'on réprime. Et au Yemen, on murmure que ce sont des nostalgiques de l'ancien régime « communiste » d'Aden, qui manifestent contre le pouvoir de Sanaa. Et puis ces régimes sont nos alliés, ou les alliés de nos maîtres. On leur a d'ailleurs vendu des armes (la Suisse en a vendu aux régimes Saoudiens et Bahreinis). Il est vrai qu'on en a aussi vendu à Kadhafi (dont les bunkers ont été construits par des entreprises suisses...), et que la France, qui lui avait vendu des armes, était aussi prête à lui vendre clefs en mains une centrale nucléaire. Kadhafi tombera. Dans une semaine, un mois, un an, le plus tôt étant le mieux, il tombera. Et son clan sans doute avec lui. Mais pour être remplacé par qui ? Une démocratie ? Ou n'importe quel autre garde-frontière des marches méditerranéennes de la forteresse Europe ? Un «conseiller officieux» de Sarkozy, l'inévitable Alain Minc (ça ne pouvait être que lui ou Bernand-Henri Lévy) tente de dorer le blason de l'intervention occidentale contre Kadhafi en osant une comparaison historique assez éclairante : « la dernière fois que la France et le Royaume-Uni sont intervenus dans cette région, c'était l'expédition de Suez en 1956 pour défendre leurs intérêts » (contre Nasser, qui avait nationalisé le canal, et cette expédition fut un fiasco politique absolu), mais qu'en Libye, elles interviennent « pour défendre des principes ». Allons bon... quels principes? le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? la démocratie ? les révoltes populaires en Afrique du nord, au proche et au moyen Orient, inquiètent les gouvernants «occidentaux» et les maîtres des économies « développées ». Ces insurrections ont chassé des dictateurs, mais pas (pas encore ?) les régimes politiques et économiques que les peuples insurgés subissaient. L'insurrection libyenne est peut-être la plus inquiétante de toute -non seulement parce qu'en face, on a un pouvoir qui ne reculera devant rien, ou pas grand chose, pour l'écraser, mais surtout parce que ce pouvoir a été fort utile à la « forteresse Europe » pour empêcher les masses migrantes africaines de se frotter à ses murailles, et que ce garde-frontière, ce mirador, ce mur de la Méditerranée, l'Europe démocratique ne songe qu'à le maintenir et le renforcer. Fût-ce au prix de la démocratie elle-même. On s'est accommodé de Kadhafi pendant 40 ans, mais il ne saurait être question de supporter six mois d'immigration africaine. Et encore moins d'admettre ce qu'impliquent réellement les revendications des insurrections nord-africaines et moyen-orientales : la justice sociale, les libertés politiques et civiles, l'égalité des droits. L'égalité entre eux et nous ? Plutôt Kadhafi, ou l'armée égyptienne, ou les « services » algériens, ou le RCD tunisien relooké. Pour que tout semble changer, mais que rien au fond ne change.

Afrique du Nord : Brisons le silence ! Solidarité ! Le SOLIFONDS lance une collecte de fonds pour soutenir les syndicats, les organisations de femmes et les mouvements sociaux tunisiens (en particulier l'association tunisienne des femmes démocrates ATFD) et algériens (en particulier les syndicats autonomes) : www.solifonds.ch, compte de chèques 80-7761-7

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