La Ville de Genève prime Mesemrom : Une petite claque aux mauvaises odeurs

L'association Mesemrom (www.mesemrom.org) a reçu, avec d'autres (Jean Vuilleumier, Sandro Rossetti, Sylvie Arsever, notamment) le prix 2011 de la Ville de Genève. Et ce prix, elle le mérite, cette association. Et que le soutien de la Ville à Mesemrom ainsi proclamé, s'ajoutant à une (modeste) subvention en sus de l'acte symbolique de demain, fasse s'étrangler quelques uns des promoteurs de la chasse aux mendiants ne rend ce soutien que plus utile. Comme une bonne petite claque aux mauvaises odeurs de pogrom doucereux nous venant d'une chasse aux mendiants qui n'a jamais réussi à se faire passer pour autre chose que ce qu'elle est : une chasse aux Rroms.

Jelem, jelem...

Cela fait bientôt mille ans qu'ils sont des nôtres, partis d'Inde pour arriver dans les Balkans au XIIe siècle, puis dans toute l'Europe. Asservis, déportés, pogromisés, exterminés (ils eurent, aux côtés des juifs, leur Shoah), Rroms, Gitans, Manouches sont toujours là, et sont aujourd'hui, sans être reconnus comme un peuple à part entière puisqu'ils ne revendiquent aucun territoire mais les peuplent tous, les plus Européens de tous les Européens, se proclamant eux-mêmes transnationaux et se jouant des frontières tout en étant la plus importante des « minorités ethniques » de notre sous-continent : Ils sont de 8 à 12 millions en Europe, ils forment 2,5 % de la population en Bosnie, au moins 6 % en Serbie, 13 % en Macédoine. Ils sont 1,5 à 3 millions en Roumanie, 700 à 900'000 en Bulgarie, 500 à 650'000 en Hongrie, 300 à 500'000 en Slovaquie, environ 700'000 en Espagne, 400'000 en France, 200'000 en Italie et 50'000 en Suisse, la majorité d'entre eux ayant la nationalité suisse. Ils sont quelques centaines à Genève. Pas plus d'un millier. Dont on voudrait faire un problème, parce que certains d'entre eux se livrent à la mendicité. Une mendicité artisanale, de gagne-petits, à la sortie des supermarchés, ou dans les encoignures des arcades. Pas la mendicité somptueuse des grandes banques qui quémandaient des milliards, ou des clubs sportifs qui quémandent des centaines de milliers de francs, ou des promoteurs de stades qui quémandent des millions. Pour la Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, « les Roms ne représentent pas un problème en Suisse ». Pour les députés vaudois non plus : ils avaient refusé le 7 octobre dernier un projet de loi radical directement pompé sur la loi « anti-mendiants » imposée par la droite genevoise. La majorité du Grand Conseil vaudois avait alors estimé, comme Laurent Moutinot à l'époque, qu'il serait indécent de « criminaliser la pauvreté ». Indécent, oui. Mais pour la droite genevoise, l'indécence était politiquement utile. Elle l'est également devenue depuis lors pour la droite vaudoise, qui a lancé une initiative populaire « contre la mendicité ». Dans toute l'Europe, d'ailleurs, les Rroms font l'objet de démarches de ce type, et en Hongris, un parti d'extrême-droite vient même de gagner les élections en ne menant pratiquement campagne que contre eux. En subventionnant et en récompensant de son action l'association Mesemrom, qui se voue à leur défense face aux épurateurs qui ne les acceptent que mythifiés dans les films de Kusturica, et, à Genève, mobilisent contre les Rroms des policiers qui aimeraient bien faire un travail plus utile que celui d'une inutile « lutte contre la mendicité », la Ville de Genève rame sans doute à rebours des stéréotypes et de leur utilisation électoraliste. A contre-courant, en somme. Mais aller dans le sens du courant, cela n'est guère qu'un destin de poisson mort. Ou de policard démagogue. L'odeur est la même.

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