14 juin : la longue route de l'égalité


Pour les femmes d'en-bas, d'abord ! Aujourd'hui, 14 juin, à Genève comme dans le reste de la Suisse, on manifestera pour les droits des femmes, et pour l'égalité de leurs droits et de ceux des hommes, cent ans après la première journée internationale des femmes, quarante ans après que les Suisses mâles leur aient princièrement accordé les droits politiques, trente ans après qu'on ait proclamé le principe de l'égalité entre femmes et hommes dans la constitution fédérale, vingt ans après qu'une grève nationale des femmes ait rendu évidente l'insgnifiance d'une proclamation constitutionnelle si elle n'est pas suivie d'actes concrets et volontaristes. Parce que l'égalité progresse lentement, prudemment, avec des arrêts et des retours en arrière, mais pas dans le haut de l'« échelle sociale » : tout en bas, dans les soutes sociales, là où des femmes sans droits politiques, sans protection sociale, sans protection contre les violences de leurs employeurs, continuent de travailler pour des salaires de misère. En Iran ? En Arabie Saoudite ? Non : en Suisse, à Genève, dans la rue d'à côté. Tout à l'heure, à 7 heures et demi du matin, il leur sera rendu hommage, par un rassemblement de soutien aux travailleuses domestiques, aux pieds de la statut du sans-papier, à l'angle de la rue Pradier et de la zone piétonne du Mont-Blanc, à la sortie de la galerie souterraine de la gare. Programme complet de la journée : www.14juin2011-ge.ch

ni cheffes, ni patronnes

14 juin, journée internationale des femmes : Le Courrier de samedi dernier consacrait une utile double page aux plus exploitées d'entre elles : ces 90 millions de femmes qui sont travailleuses domestiques dans notre monde d'hommes. Travailleuses au sens restrictif, professionnel, du terme : affectées à une tâche hors de leur cercle familial. En plus de cette tâche dans le cercle familial : quand on évoque les « travailleuses domestiques », on n'évoque pas les « femmes au foyer», les ménagères, les mères de familles se chargeant de l'essentiel, ou de la totalité, des tâches familiales, mais seulement celles qui, en plus de ces tâches accomplies pour leur famille, en accomplissent de semblables, pour d'autres que leurs proches. Elles sont 90 millions de « travailleuses domestiques » dans le monde, donc, souvent migrantes, et doublement discriminées, en tant que femmes et en tant que migrantes. Une première convention internationale proclamant quelques uns de leurs droits a été adoptée par l'Organisation internationale du travail; elle demande le minimum : que leur soient accordées des conditions de travail supportables et qu'elles soient protégées contre les abus, les violences, le harcèlement sexuel. C'est un début : jusqu'alors, rien n'obligeait les employeurs (et les employeuses) des domestiques à leur verser un salaire, à leur accorder un congé payé, un congé maternité, une retraite. En Suisse, où elles sont sans doute plus de 200'000 (dont à peu près 20'000 à Genève, pour l'équivalent de près de 10'000 postes à plein temps), et où une part croissante d'entre elles sont des migrantes, souvent sans statut légal (la demande genevoise de les régulariser, déposée il y a six ans, n'a toujours pas abouti) quelques droits minimums ont été reconnus aux travailleuses domestiques, par un contrat-type leur accordant un salaire minimum et leur donnant accès à un début de protection sociale, mais 20 % seulement des employeurs en employeuses romand-e-s de travailleuses domestiques utilisent le système des «chèques emploi» et des « chèques services » qui protège, un peu, leurs employées de maison -et la proportion est plus basse encore en Suisse alémanique). Selon une enquête récente, l'écrasante majorité (80 %) des employeurs et des employeuses de domestiques ne se considèrent précisément pas comme des employeurs tenus aux obligations des employeurs, une plus grande majorité encore (88 %) ignorent l'existence de normes salariales. Pourquoi évoquer ici les travailleuses domestiques, en ce 14 juin ? Parce que nous nous souvenons que le slogan de la grève des femmes de 1991 était « les femmes bras croisés, le pays perd pied ! », mais que le pays n'a pas perdu pied après que les femmes se soient croisé les bras un jour : la différence de salaire entre femmes et hommes est toujours de 20% au détriment des femmes, 70 % des travailleurs pauvres sont des travailleuses, les métiers les plus mal payés sont ceux qui sont exercés majoritairement par des femmes, la plupart des « aidants naturels » s'occupant sans rémunération des personnes âgées et des enfants sont des femmes et les femmes sont encore discriminées dans les assurances sociales, toutes fondées sur le modèle professionnel masculin du travail à plein temps, qualifié et au moins correctement payé. Pour toutes les femmes, l'urgence reste de rompre avec la servitude volontaire qui les a si longtemps enfermées dans le rôle qui convenait aux hommes (et dans lequel les hommes s'enfermaient d'ailleurs eux-mêmes), et de rompre avec les hiérarchies sociales et politiques héritées du vieux monde patriarcal -de rompre avec les hiérarchies, non d'y grimper dans la même position où l'on rampait à leurs pieds. Peu nous chaut dès lors que seuls un tiers des postes dirigeants soient occupés par des femmes : nous ne voulons plus de postes dirigeants. Pour celles qui ne sont pas tout en bas, tout au fond, et pour nous, ce n'est pas l'ambition d'être cheffe à la place, ou aux côtés, du chef qui est au coeur du combat pour l'égalité. C'est bien plus que cela. C'est qu'il n'y ait plus ni chefs ni cheffes, ni chefferies. Un vrai rêve d'égalité, sans ambition de pouvoir.

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