Genève : une demie-journée d'école en plus ?

Au boulot, les mioches !

Le Grand Conseil (sauf le MCG) a accepté de modifier les horaires scolaires en introduisant des cours le mercredi matin, comme le Département de l'Instruction publique le demandait. Mais un référendum a été annoncé par le syndicat des enseignants du primaire, la Société pédagogique genevoise (SPG), soutenu par solidaritéS et plusieurs associations de parents (mais pas toutes, ni par leur fédération, fort divisée). En Suisse, les écoliers genevois sont les derniers à bénéficier d'une journée non-scolaire entière, coupant en deux la semaine d'enseignement. Ce fut longtemps le jeudi (mais on allait à l'école le samedi matin), c'est actuellement le mercredi. D'ailleurs, quitte à ré-introduire une nouvelle demie-journée d'école, et à supposer qu'on ne puisse l'éviter (ce dont on se permettra de douter), pourquoi le faire le mercredi matin, et pas le samedi matin ? Pour ne pas perturber les achats du week-end ?

Quod omnes tangit debet ab omnibus approbari

Le référendum annoncé par la SPG contre le «mercredi matin scolaire» se justifie pour au moins deux raisons : d'abord parce qu'il est bon que ce qui concerne beaucoup de monde, et s'agissant des horaires scolaires, presque tout le monde, directement ou non soit approuvé (ou refusé) par beaucoup de monde. Ensuite, parce que le doute subsiste, malgré l'approbation parlementaire, sur le projet que conteste la SPG. On a passablement bricolé les horaires scolaires, ces vingt ou trente dernières dernières années, sans effet notable sur les résultats scolaires : remplacement du jeudi de congé par le mercredi et un samedi sur deux, en 1992; suppression de l'école le samedi en 1997; adhesion à l'harmonisation scolaire (Harmos), qui impliquerait la réintroduction d'une demie-journée d'école dans le primaire, en 2009; projet de réintroduction du mercredi matin d'école, en 2011... Le syndicat genevois des enseignants du primaire (la SPG) fonde son refus de la proposition du Conseil d'Etat sur des questions de moyens, de personnel et d'organisation : il craint une augmentation purement quantitative, et non qualitative, des horaires d'enseignement et dénonce le « manque chronique de postes depuis plusieurs années » (6000 élèves de plus en vingt ans, et 180 postes de moins : pour retrouver les conditions d'encadrement du début des années nonante, il faudrait créer 300 postes supplémentaires, en plus de ceux rendus nécessaires par la scolarisation du mercredi matin). Elle aurait aussi bien pu le fonder, son refus, sur un refus de la surcharge des programmes scolaires, mais bon... Pour la Tribune de Genève, « les petits genevois ont un urgent besoin de passer plus de temps sur les bancs de l'école ». A moins que ce soient les parents d'élèves qui aient un urgent besoin de laisser leur progéniture une demie-journée de plus à la charge d'autres qu'eux... ce qui expliquerait que leurs associations soient divisées sur l'opportunité de la réforme proposée et sur celle du référendum annoncé par la SPG. Une pétition contre l'école du mercredi matin avait d'ailleurs recueilli 1500 signatures, affirmant l'importance d'une journée de pause dans la semaine scolaire -une journée qui puisse être consacrée à des activités sportives, culturelles, familiales, sociales sans enseignement (sinon ceux que l'on tire toujours de telles activités). Selon Charles Beer, les études scientifiques recommandent de ne pas rompre la semaine scolaire par un jour de congé intermédiaire (ce qui fut pourtant le cas à peu près partout jusqu'il y a vingt ans), et de ne pas concentrer l'enseignement sur un nombre trop restreint de jours (quatre jours à Genève, contre 4,5 en général dans toute l'Europe). Et puis, ajoute-t-on, les programmes ont été renforcés (ou chargés, c'est selon), et il faut pouvoir les caser. Mais le total des heures de cours n'est qu'un critère relatif, et plus que ce total, ce sont les contenus de chaque heure qui sont déterminants, et les méthodes d'enseignement, les moyens accordés à l'école et aux enseignsnts, et la situation à la fois des enseignants et des élèves. D'ailleurs, celles et ceux qui crient le plus fort à la dégradation des résultats scolaires ont un peu tendance à oublier que l'école d'hier se faisait sur une semaine rompue par un jour de congé...si elle était à ce point meilleure que l'école d'aujourd'hui, on devrait s'accorder au moins à considérer que ce jour de congé ne l'en avait pas empêchée, que ce n'est pas parce que le mercredi est « sans école » que les écoliers « apprennent moins bien», ni, a contrario, qu'ils « apprendront mieux » quand on leur aura collé une demie-journée d'école supplémentaire le mercredi... Rien du contexte social dans lequel baignent les élèves, et les enseignants, ne sera changé parce qu'il y aura « école le mercredi matin ». Et donc, rien ne changera pour une demie-journée d'école en plus, de ce qui fait, empêche ou défait la «réussite» scolaire -celle de l'élève, celle de l'école : elle est affaire de choix politiques, d'allocations de moyens, d'élaboration de programmes et de méthodes, pas de bricolages des horaires.

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