Réforme du financement hospitalier : Vous allez la sentir passer. Trois fois.

La réforme du financement hospitalier, imposée aux cantons (et aux hôpitaux publics) par la majorité parlementaire fédérale (de droite, au cas où vous l'auriez oublié) va coûter bonbon aux cantons et aux assurés, et peser lourd sur les conditions de travail du personnel (celui qui n'aura pas été licencié, donc) et les conditions de séjour des patients. Par contre, les assurances, elles, pensent pouvoir s'en tirer sans dommage. Selon les estimations de la Conférence des directeurs cantonaux de la Santé, le nouveau système va coûter un milliard aux cantons, et 500 millions aux assurés de base (parce que les assurances vont répercuter leurs coûts supplémentaires sur les assurés, vous pensiez quoi ? qu'elles allaient les assumer ?), représentant une économie d'autant pour les assurances complémentaires. Qui ne prévoient nullement de répercuter cette économie sur les primes, en les diminuant. On assiste donc à un véritable transfert de charges des assurances facultatives sur l'assurance obligatoire, et sur les caisses publiques cantonales. Qui vont les répercuter sur les budgets des hôpitaux. Qui vont les répercuter sur le personnel. Ce qui se répercutera sur les patients qui paieront une troisième fois une réforme qu'on leur aura déjà fait payer deux fois. comme assurés comme contribuables.

A la santé des technocrates de la santé

Dès 2012, les patients pourront se faire rembourser par leur assurance de base des traitement effectués en clinique privée, et auront le « libre choix » de leur hôpital public ou privé, pour autant qu'il soit reconnu par l'Etat, mais les conditions que les cantons romands voulaient poser à cette reconnaissance (contrôle des salaires des directeurs, plafonnement des dividendes) ont été refusées par le législateur fédéral, qui a chargé les cantons d'appliquer une loi sans lui laisser une marge de manœuvre suffisante pour en limiter les effets pervers. Les prestations « privées » couvertes jusqu'à présent par les assurances complémentaires devront l'être par l'assurance de base. Les primes de l'assurance de base vont donc repartir à la hausse pour compenser ce surcoût, et les cantons vont devoir assumer à la fois la «restructuration» de leurs hôpitaux publics, et la prise en charge financière de la part des cotisations que, du fait de leur hausse, les assurés les plus modestes ne pourront pas payer. Ce système est triplement pervers : il vide les caisses publiques et les poches des assurés pour garantir une sorte de subvention indirecte aux hôpitaux privés (qui vont pouvoir accueillir et faire payer, ou les faire garantir par l'Etat, de nouveaux clients) et aux caisses maladie (qui vont reporter sur les cotisations de l'assurance obligatoire les surcoûts des soins jusqu'alors remboursés par les seules assurances complémentaires et facultatives). Moins d'argent pour les hôpitaux publics, plus de charges pour les cantons, des cotisations plus élevées pour les assurés : la réforme du financement hospitalier a choisi ses victimes : les contribuables, les assurés, les patients, le personnel hospitalier : A Berne, le Conseil d'Etat a annoncé un programme d'économies de 10 % (87 millions) dans les soins « aigus », et l'hôpital de Lille a supprimé 140 postes. A Zurich, l'hôpital universitaire a annoncé la suppression de 130 à 150 postes. Dans les Grisons, ce sont 350 postes qui sont menacés. Et à Genève, les conditions de travail du personnel de l'hôpital ne cessent de se dégrader, dénoncent les syndicats. Des réductions d'effectifs (450 postes en trois ans selon le SSP, 335 postes en quatre ans, selon le comité de l'initiative pour la maintien et le rétablissement des prestations des hôpitaux publics, 150 postes en trois ans selon le directeur des HUG, Bernard Gruson) péjorent la qualité des soins, en exerçant une pression constante, et croissante, sur le personnel : accélération des rythmes et alourdissement des charges de travail, augmentation du nombre de contrats précaires, dégradation des rapports avec la hiérarchie, refus de dialogue avec un syndicat... La concurrence entre hôpitaux (y compris entre hôpitaux publics et hôpitaux privés, qui recevront des « mandats de prestation », et de l'argent, de l'Etat) pour attirer les patients, ne fait que commencer. Les HUG visent la clientèle régionale (celle du million d'habitants de la « grande région », et en particulier de ceux se faisant actuellement soigner à Grenoble, Lyon ou Dijon). Et comme l'argent devient le principal critère de mesure d'efficacité de l'hôpital (tant pis pour ceux qui, naîvement, croyaient encore qu'un hôpital était fait pour soigner), c'est la qualité des soins et les conditions de travail du personnel qui trinqueront. A la santé des technocrates qui mesurent le fonctionnement d'un hôpital universitaire avec les mêmes critères que celui d'un hôpital régional qui n'a aucune dépense d'enseignement, de recherche et de formation à consentir, et évaluent les coûts d'un hôpital sans tenir compte du coût et du niveau de la vie là où il est implanté... Bref, tout va concourir à ce que les patients entrés à l'hôpital soient poussés à en sortir au plus vite, pour « faire des économies » et compenser les surcoûts d'une « réforme » libérale, faite sur leur dos de patients, de contribuables et d'assurés. Courbé, le dos. Faute de soins, mais surtout de soins politiques.

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