« Sortie du nucléaire » : La droite s'accroche

Aujourd'hui, le Conseil national devra dire qu'il est prêt à suivre le Conseil fédéral dans sa proposition de sortir, à pas lents et comptés, du nucléaire. Les groupes parlementaires ont fixé leurs positions, ou leur absence de position : la clef du vote, ce sera le PDC, appelé à la fidélité à son unique Conseillère fédérale, Doris Leuthard, éminente représente du lobby nucléaire jusqu'à Fukushima, partisane depuis de la fermeture progressive et du non-remplacement des centrales nucléaires. 80 % du groupe PDC devrait la suivre. Et les 20 % de pro-nucléaires démo-chrétiens devraient s'abstenir, suivant en cela les radicaux-libéraux qui n'ont réussi qu'à donner ce courageux mot d'ordre. La gauche (socialistes et verts) votera la sortie, même si elle la souhaiterait plus rapide, les Verts libéraux et les bourgeois-démocratiques la voteront aussi. Seule l'UDC devrait s'accrocher aux centrales nucléaires, et, consciente de l'impopularité de sa position, allume depuis des semaines des contre-feux xénophobes pour qu'on parle d'autre chose. Mais les milieux patronaux ne désespèrent pas : ils ont arrosé tous les parlementaires de droite d'un copieux dossier pour les convaincre de voter contre toute fermeture des centrales actuelles. Or la droite est largement majoritaire aux Chambres fédérales. Les jeux ne sont donc pas encore faits, et la porte de sortie pas encore ouverte.

Un bréviaire contre une perte de foi

90 pages pour convaincre une majorité de Conseillers nationaux, puis de Conseillers aux Etats, de refuser les propositions de fermeture des centrales nucléaires, et plus encore celles de créer un fonds de soutien à la recherche sur les énergies renouvelables, fonds alimenté par un «centime sur le nucléaire» tant que ces centrales fonctionnent : EconomieSuisse a livré à « ses » élus aux Chambres fédérales un argumentaire pro-nucléaire complet qui, en d'autres temps, eût été simplement une sorte de bréviaire pour convaincus, de missel pour fidèles -bref, de rappel de positions acquises. Seulement voilà : on est à après Fukushima et à quatre mois des élections fédérales. Et les convictions vacillent au gré des sondages. Les radicaux-libéraux, en particulier, les ont lu, les sondages : une écrasante majorité (les deux tiers, selon le plus récent sondage) des Suisses et Suissesses sont favorables à la « sortie du nucléaire » et prêts à payer leur électricité plus cher pour cela. La moitié des sondés sont même prêts à admettre des difficultés d'approvisionnement en électricité si ce devait être la conséquence d'une « sortie du nucléaire ». Or les libéraux-radicaux sont contre cette « sortie », et sont, in pectore, favorables au nucléaire et au remplacement des centrales existantes. Incapables d'assumer leur position face à l'opinion publique, et la laissant assumer par l'UDC, ils vont donc la jouer profil bas, très, très bas. Jusqu'à s'abstenir dans le débat parlementaire, ou voter en ordre suffisamment dispersé pour que les votes des uns annulent ceux des autres. « Personne ne peut se réjouir de ce manque de courage politique » écrit le commentateur de la Tribune de Genève. Non, personne ne s'en réjouira. Mais personne ne s'en étonnera non plus. Le bréviaire pro-nucléaire d'EconomieSuisse, pèsera-t-il aussi lourd que les inquiétudes pré-électorales de celles et ceux à qui il s'adresse ? On peut en douter, d'autant que la motion « centrale » du débat parlementaire d'aujourd'hui n'émane pas de la gauche, mais du PDC, et qu'elle s'appuie sur la position du Conseil fédéral lui-même, ce qui rend plus difficile encore le choix de la droite libérale-radicale. Cette motion demande qu'aucune autorisation générale ne doit plus être accordée pour la construction de centrales nucléaires, accepte la poursuite de l'exploitation des centrales existantes mais demande leur mise à l'arrêt progressive et la fixation dans la loi d'une date de fermeture définitive, et que des mesures soient prises en faveur des énergies renouvelables. Une position prudente, « centriste », que la gauche et les Verts estiment insuffisante, mais qu'il sera difficile à la droite démocratique de combattre, du moins au Conseil national (elle espère pouvoir le faire avec succès au Conseil des Etats, ce qui retardera le moment éventuel du « début de la sortie du nucléaire ». C'est aussi à cela que sert le bréviaire pro-nucléaire d'EconomieSuisse : non pas à renverser la majorité à la Chambre basse, mais à ce que suffisamment de temps soit perdu avant la mise en oeuvre d'une décision antinucléaire pour que l'« effet Fukushima » se soit dissipé. Car cette droite-là le sait bien (et une bonne partie du PDC aussi, rallié à la cause antinucléaire pour le temps, et seulement ce temps, que cette cause est soutenue par une majorité de l'opinion publique) : irradiée par la catastrophe japonaise, l'opinion publique suisse (et européenne) le restera moins longtemps que la terre et les eaux autour de Fukushima. Il suffit d'attendre -et de compter sur les diversions xénophobes de l'UDC pour que le bon peuple s'en prenne à d'autres qu'aux nucléocrates. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, le tsunami qui a été la cause de l'« excursion » de Fukushima, il était frontalier, non ? Et le tremblement de terre, sûrement un peu rrom...

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