Bonne et heureuse nouvelle année !

En ce 1er Vendémiaire...

Ce jour, citoyennes, citoyens, n'est pas un jour comme les autres : c'est le premier jour du mois de Vendémiaire. Et le mois de Vendémiaire est le premier mois de l'année républicaine. Nous sommes donc, en ce 1er Vendémiaire, le jour du Nouvel-An. On s'autorisera donc à quelque discrète libation, et à vous présenter à toutes et tous nos meilleurs voeux pour cette nouvelle année, qui se trouvera aussi être, quelque soit le calendrier que l'on choisira, une « année Rousseau » -celle de la naissance du Citoyen majuscule, d'un Devin de la Ville, d'un Promeneur politiquement moins solitaire qu'il crut l'être. Une nouvelle année qu'on espère encore, malgré tout, être d'une nouvelle citoyenneté pour 40 % de la population adulte de Genève...


Il était une fois, en une nuit d'août, il y a 222 ans...


Entamer une nouvelle année républicaine (qui se trouvera aussi être une « année Rousseau ») par un rebond sur les affres constituantes autour des droits politiques des étrangers, n'est peut-être pas la plus mauvaise manière de l'entamer -d'autant que cette année se terminera dans la campagne de votation sur le projet de nouvelle constitution genevoise, issu des travaux (on ne ricane pas, au fond, à gauche, près du radiateur) de l'assemblée constituante. Nous sommes donc sortis de l'année républicaine précédente alors que cette illustre assemblée, que le monde nous envie sans oser en témoigner avec toute la vivacité que mériterait un si lumineux exemple d'inventivité politique, accouchait d'une décision à la mesure du courage qui a jusqu'à présent animé sa majorité : la décision de ne pas étendre les droits politiques accordés aux étrangers. Un vieux débat, qui se menait déjà du temps de Jean-Jacques, lorsque les habitants et les natifs réclamaient les droits des citoyens et se les voyaient refuser. L'année Rousseau commence donc par la permanence de ce vieil ostracisme politique : la majorité de droite de la Constituante a sorti de l'avant-projet de Constitution l'une de ses rares dispositions réellement novatrices, celle qui accordait aux étrangers disposant déjà du droit de vote au plan municipal, le droit d'éligibilité sur le même plan, lequel serait proposé dans une votation populaire ultérieure et non pas dans le cadre de celle portant sur une nouvelle constitution. Ce gage donné à l'extrême-droite, viscéralement opposée à tout droit politique (même ceux dont ils disposent déjà) accordés aux étrangers, n'est pas seulement une manifestation d'immobilisme politique (les mêmes qui ont refusé d'inscrire le droit d'éligibilité municipale des étrangers dans la constitution refusent d'ailleurs aussi d'abaisser le nombre de signatures nécessaires à un référendum ou une initiative populaires), mais aussi d'une assez calamiteuse confusion entre la nationalité et la citoyenneté, le maître-argument des opposants aux droits politiques des étrangers étant : « z-ont qu'à se faire naturaliser, les métèques, s'ils veulent être citoyens ». Comme si la citoyenneté n'était pas, bien avant d'être un fait juridique lié à la nationalité, un fait social lié à la présence dans la cité -ce n'est en effet pas seulement étymologiquement que la citoyenneté renvoie à la cité et non à l'Etat-nation, et que l'on est citoyen d'une cité bien avant que d'être ressortissant d'un Etat, les cités précédant historiquement les Etats. Pourquoi diable quelqu'un qui est né ici, travaille ici, paie ses impôts ici, et adhère bien plus totalement que celui qui vous inflige ces lignes aux «valeurs d'ici», ne disposerait pas des mêmes droits que l'auteur de ces lignes, qui n'a eu pour en disposer qu'à se donner la peine de naître d'un spermatozoïde sorti d'une couille helvétique ? Les droits politiques sont soit des droits fondamentaux, soit des privilèges. Or nous sommes d'une culture politique qui se targue d'être l'héritière de ceux qui, une nuit d'août, il y a 222 ans, abolirent les privilèges. Et nous sommes d'un mouvement politique qui se targue de faire du principe d'égalité un principe fondateur de son projet et un principe cardinal de la République et de la démocratie, pas moins. Les gens qui habitent à côté de chez moi ont les mêmes droits que moi dans ma ville, parce qu'elle est aussi la leur. Les mêmes droits, et pas de devoirs supplémentaires à remplir pour jouir de ces droits. Je n'ai, légitimement, que les droits que je reconnais aux autres, et je ne puis, légitimement, imposer aux autres que les devoirs que j'accepte de me voir imposer : c'est cela, l'égalité politique. Et sans cela, on n'est plus en République mais en tribu, plus en société mais en communauté. Il serait bien temps que l'on sorte, enfin, du tribalisme pour entrer dans la citoyenneté. Bonne nouvelle année, républicaine et rousseauiste !

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