Election partielle à la Cour des Comptes : Tout ça pour ça ? Ben oui...

Le 25 septembre, une élection partielle désignera celui qui, de Daniel Devaud (solidaritéS) ou d'Yves Nidegger (UDC), remplacera, pour un intérim de huit mois, Antoinette Stalder (PS) à la Cour des Comptes -une instance ne disposant d'aucun pouvoir de décision, produisant des rapports dont on fait ce qu'on veut, y compris rien du tout, et ne pouvant émettre que des recommandations contraignantes pour personne. Grave question à l'ordre du jour : Préfèrera-t-on y caser un juge que l'envie démange de changer de juridiction (même si la Cour des Comptes n'est pas un tribunal et que ses membres ne sont pas des juges) ou un politicien qui roupille au Conseil Municipal et joue les utilités au Conseil National ? Mais comme poser la question en ces termes, pourtant d'une objectivité sans faille, n'affriolera guère l'électeur-trice, on va se la jouer grand affrontement idéologique, Front Antifasciste contre Union de la Droite... Et c'est ainsi que de la Cour des Comptes on passe à la Cour des Miracles...

Votez Madoff

Souvenez-vous : un communiqué incantatoire de solidaritéS était tombé, le 23 juin, dénonçant le "dépôt d'une liste MCG pour l'élection complémentaire à la Cour des comptes... avec comme candidat unique sur celle-ci René Longet, Président du Parti socialiste genevois". Et de dénoncer un candidat (Longet, donc) "capable de vendre son âme pour conquérir une place", et d'en appeler à une mobilisation en faveur de l'autre candidat de gauche, celui de solidaritéS "pour barrer la route à la droite et à l'extrême-droite" C'était beau comme l'antique. C'était Barcelone en 1936. Sauf que c'était parfaitement, et délibérément mensonger, et que les brillants auteurs de cette petite saloperie savaient pertinemment qu'il n'y avait pas de liste MCG avec le nom de René Longet, ni d'ailleurs avec aucun autre nom, le MCG ne présentant pas de candidat, et René Longet n'étant le candidat que du seul Parti socialiste. Mais peu leur importait, aux auteurs de ce torchon, qu'il soit mensonger, puisqu'il fut efficace : peu disposé à passer toute la campagne à devoir se défendre de l'accusation ordurière de pactiser avec la Bête Immonde, le président du PS a jeté l'éponge et son parti, qui la veille proclamait encore haut et fort son intention de faire de l'élection partielle à la CdC le moment d'un débat politique sur le rôle de l'Etat, a, piteusement, suivi. Depuis, on meuble, comme on peut. L'élection, on le sait déjà, ne passionnera pas les foules (pour les partis qui s'y livrent, elle n'est guère qu'un petit galop d'essai avant les fédérales) et l'abstention sera à la hauteur de l'enjeu (encore heureux si on atteint 25 % de participation...). Alors on s'agite, pour faire croire que quelque chose, là, se joue, quelque chose d'autre que les parcours personnels des deux candidats. Quelque chose qui serait politique. Après avoir appelé à "barrer la route" à un candidat inexistant du MCG, on appelle donc, comme Guy-Olivier Segond, à voter pour le candidat de la gauche en fournissant au passage l'argument le plus tarte de la campagne : "un juge à la cour des Comptes, c'est évident". Evident ? Ah bon. Et pour le Conseil de fondation du Grand Théâtre, une cantatrice chauve s'impose avec la même évidence ?. Du coup, Pascal Décaillet tombe à blog racourcis sur Segond, Didier Bonny démissionne du PDC pour la goutte de fiel de trop (une affiche PDC soutenant un candidat UDC), d'autres, à droite, annoncent qu'ils voteront blanc, et courant d'une fuite à l'autre pour écoper sa chaloupe de sauvetage électoral, le président des libéraux-radicaux appelle lui aussi à "barrer la route de la Cour des Comptes" (Genève, décidément, est en travaux), mais cette fois à "l'extrême-gauche" (dont il est à peu près le seul à croire qu'elle bouge encore, et dont les héritiers présomptifs disposent d'ailleurs déjà à la Cour des Comptes d'un siège de juge suppléant), et cela pendant que ladite "extrême-gauche", convertie aux vertus social-démocrates de la Justice "au-dessus des parties", présente la candidature d'un "juge impartial" -comme si un juge pouvait être "impartial", quand il est, au mieux, "du côté de la loi" qui, elle, n'est jamais impartiale - vérité d'évidence qu'il est assez amusant de voir un socialiste rappeler à des militants qui furent d'extrême-gauche au millénaire dernier. "Daniel Devaud, un juge impartial, compétent, indépendant et intègre pour la Cour des comptes" proclame donc son comité de soutien : à quel gaspillage de qualités, alors, se livrera-t-on en l'expédiant là où il veut qu'on l'expédie... On aurait pu avoir, à l'occasion de cette élection partielle sans grand enjeu en elle-même, un débat politique intéressant sur les critères, les contenus, les finalités du fonctionnement des institutions publiques -on n'aura qu'une glauque pitrerie où l'on voit, en écho, le PDC de Luc Barthassat appeler à voter pour l'udéciste Nidegger et le président du PS appeler à voter pour le candidat de ceux qui l'ont traîné dans la fange (il est assez vraisemblable que le candidat de la gauche sera élu contre le candidat de la droite, lequel pourra donc rester siéger dans les parlements où il siège et discourir dans les media où il discourt, toutes choses que son élection à la Cour des Comptes lui interdirait). Vu l'ambiance, que l'intérimaire du 25 septembre s'appelle Nidegger ou Devaud, on devrait s'en contrefoutre, mais finalement on a voté. Pour Bernard Madoff. Après tout, les Cours et les Comptes, il connaît. Et le bourrage de mou aussi.

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