Plan directeur cantonal : Développer quelle Genève ?

Le Plan directeur cantonal « horizon 2030 », qui doit être adopté en 2012, était soumis à l'enquête publique jusqu'au 8 juillet. Ce document, que l'on produit tous les dix ans, est aujourd'hui calé sur un projet d'agglomération franco-valdo-genevois et définit, de manière plus indicative qu'impérative, les grands choix politiques déterminant le développement de Genève (mais essentiellement de la « petite » Genève, le canton, puisqu'il n'y a pas d'instance régionale capable de déterminer dans l'espace réel de Genève, la région, ce que l'on va faire de cet espace). La question reste donc posée : quand on parle du « développement de Genève » , de quelle Genève parle-t-on ? de la Genève réelle, de 8000 habitants, dont le canton n'est que le centre, ou de ce centre seulement ?

Admettre que Genève n'est plus dans Genève, mais tout autour...

Si l'on ne devait retenir qu'un objectif exprimé par le projet de Plan directeur cantonal, ce serait celui d'harmoniser la création de logements et d'emplois des deux côtés de la frontière. En clair : construire des logements à Genève, créer depuis Genève des emplois en France. Le contraire, en somme, ce que ce qui se fait depuis des décennies Genève concentre 70 % des emplois de toute la région mais n'en abrite que la moitié de la population et c'est ce déséquilibre qui lui vaut à la fois d'étouffer en ses frontières politiques, et d'étouffer ses rues sous le flot des « pendulaires» venant de leur domicile français (ou vaudois) rejoindre leur lieu de travail genevois. La question des transports n'est dès lors pas moins « centrale » que celle du logement ou celle de la localisation des activités économiques. Le Plan directeur part de l'hypothèse d'une croissance démographique continue, aboutissant à 100'000 habitantes et habitants de plus d'ici à 2030, sur un espace cantonal resté le même (soit une densité de population accrue de 20 % en une génération). Pour loger ces 100'000 habitants supplémentaires dans le canton, il serait nécessaire d'offrir pendant vingt ans 2500 nouveaux logements par an, sachant qu'actuellement, on en met annuellement 1000 de moins que nécessaire sur le « marché »... Où les construire, ces logements ? Le PDCn évoque le déclassement de plusieurs zones villas autour de la Ville de Genève, ce qui a évidemment suscité l'ire du lobby des propriétaires de villas, qui n'ont pourtant pas été les derniers à profiter de la croissance économique pour financer l'acquisition de leur maison, mais qui sont les premiers à exiger un frein au développement démographique lié à cette croissance. En revanche, la Communauté genevoise d'action syndicale approuve la densification de la zone villa, mais exprime la crainte d'une concentration des problèmes sur la rive droite. Le Plan prévoit également le déclassement de six kilomètres carrés de zone agricole, ce qui déplaît souveraînement à la Chambre d'agriculture (« Agri-Genève »), pour qui les «terrains agricoles sont déjà une denrée rare » (alors que la zone agricole proprement dite couvre la moitié du territoire cantonal), et à ProNatura, qui prône un moratoire de vingt ans (en gros, le temps du Plan...) sur toute extension de la zone à bâtir. En réalité, même le déclassement de la totalité de la zone agricole et de la totalité de la zone villas ne suffirait pas, à terme, à éponger les effets d'un développement qui continuerait à concentrer l'emploi à Genève, et à y concentrer un type d'emplois particulièrement gourmands en espace et en infrastructures. Sans réelle inscription du développement de Genève dans le cadre régional, on se heurtera bien plus vite qu'on ne pense à l'impossibilité matérielle d'offrir à la population du canton les logements, les infrastructures, les transports et le cadre de vie auxquels elle a droit. Or l'hypothèse de base du Plan directeur est celle d'une poursuite du développement genevois tel qu'il se fait actuellement : celui d'une économie ultra-tertiarisée, de l'installation de sièges de multinationales, d'activités financières plus ou moins parasitaires -d'un développement économique sans critères sociaux, que l'on se contente de justifier par l'utilité d'accroître la richesse financière de l'espace genevois pour pouvoir assurer à la population (mais laquelle ? et celle de quelle portion du territoire régional ?) des prestations dont une bonne partie ne sont que compensatoires des effets négatifs d'un « développement » purement quantitatif, et que l'on affirme vouloir accorder dans le temps même où les droits fondamentaux qu'elles doivent concrétiser sont menacés, rognés, réduits à des proclamation rhétoriques et à des sacrifices rituels sur les autels électoraux.

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