Elections fédérales, J-2 : A lundi, en Belgique ?


Dans un entretien au « Matin Dimanche », un ancien président du Parti socialiste reconverti dans l'hôtellerie haut-valaisanne tentait dimanche dernier de nous consoler du niveau du débat politique dans notre beau pays : il « n'est pas plus bas qu'ailleurs. Et si on regarde l'Italie, on de la chance ». Merci, Peter Bodenmann, nous voilà rassurés, il y a pire que Blocher, Lüscher et Freysinger : Berlusconi. Mais doit-on se contenter d'une aussi piètre consolation? Et doit-on craindre, ou espérer que la carte politique de la Suisse, lundi, ait un petit air belge, avec une Alémanie udéciste et une Romandie rose-rouge-verte, faute de pouvoir attendre un basculement de la majorité politique nationale ?
Du mouvement électoral qui ne déplace pas les lignes


On saura donc dimanche en quoi le paysage politique suisse aura changé - ou plutôt : s'il aura vraiment changé, dans un pays incroyablement stable, politiquement et électoralement parlant : depuis 1919, la gauche, avec le PS comme pivot, pèse entre un quart et un tiers des suffrages. Jamais moins, jamais plus. Depuis trente ans, en gros, on a un tiers des citoyennes et des citoyens qui votent à gauche (PS, Verts, gauche de la gauche, chrétiens-sociaux), un tiers qui votent très à droite (UDC, MCG, Lega et petits partis d'extrême-droite) et un tiers qui barbotent dans un large centre allant aujourd'hui des Verts Libéraux au PLR, en passant par le PDC, le PBD, les Evangéliques... Et rien n'indique que cela va bouger : si l'on en croit tous les sondages parus depuis bientôt un an, l'UDC restera le premier parti du pays, le PS le second, le PLR et le PDC les troisième et quatrième, dans cet ordre ou l'ordre inverse, les Verts le cinquième. Les incertitudes ne portent plus guère que sur l'importance du recul radelibe, la progression des nouveaux petits partis (les Verts libéraux, les bourgeois démocratiques), le score des populismes locaux (le MCG genevois, la Lega tessinoise) et la survie parlementaire ou non de la gauche de la gauche. Cependant, si, nationalement, le rapport des forces politiques semble coulé dans la pâte dure d'un vieux fromage de montagne, régionalement il en va autrement : on avait déjà dans ce pays vu apparaître nettement un clivage politique entre les villes d'une part, à gauche, les zones résidentielles et les campagnes d'autre part, à droite. Mais pèse désormais aussi ce que l'on pourrait évoquer comme un « risque belge » (sans le surréalisme et l'humour que les Belges mettent à la description de leur situation) : une gauche forte en Romandie, une UDC dominante en Alémanie (et la Lega au Tessin). Il semble en tout cas que les thèmes fondamentaux de la campagne du PS aient mieux porté en Romandie qu'en Alémanie, et y aient mieux correspondu à la culture politique dominante : une culture social-démocrate à laquelle une partie de la droite adhère, quoi qu'il en soit de ce qu'elle fait, concrètement, de cette adhésion culturelle : Etat social, Etat de droit, Etat interventionniste économiquement. De plus, les «ténors» (et les spranos, les altos et les barytons) socialiste suisses sont, en ce moment, souvent romand-e-s, tel-le-s Christian Levrat, Alain Berset, Pierre-Yves Maillard, Jean Studer, Carlo Sommaruga... et Micheline Calmy-Rey... Mais si dans tous les cantons romands, le PS est en assez bonne posture, il en va autrement en Alémanie, où l'UDC « écrase » le paysage politique de ses slogans, de ses obsessions et de son pognon. « Les Suisses votent UDC », proclame ce parti. Cette prétention exorbitante n'implique pas seulement que les 70 % de citoyennes et de citoyens qui ne votent pas UDC ne sont pas de vrais Suisses-ses, mais aussi que les seuls vrais Suisses sont alémaniques. Les résultats de dimanche vont ainsi, vraisemblablement, et du point de vue même de l'UDC, exclure la Romandie de la «vraie Suisse ». On ne s'en scandalisera pas ici, la Suisse à la sauce udéciste nous étant en effet totalement étrangère. Mais on souhaiterait que soit dit, affirmé, revendiqué clairement, de part et d'autre du Roestigraben que la vieille devise « un pour tous, tous pour un » n'a, politiquement, plus d'autre sens que celui d'une nostalgie impuissante. Une sorte de « chagrin des Belges » à la mode helvétique. Mais sans Gueuze pour le noyer, ni Delvaux pour le nimber, ni renardisme pour le secouer.

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