Elections fédérales, J+1 : Bon, ben maintenant, on fait quoi ?

Et nous voilà avec de nouvelles Chambres fédérales. Enfin, « nouvelles », il faut le dire vite... Le rapport gauche/droite ayant peu changé (le recul de l'UDC, du PLR et du PDC étant compensé par l'avancée du PBD et des Verts libéraux), quoique le recul des Verts affaiblisse la gauche, les lobbies et groupes de pression tisseront leurs toiles pour faire et défaire les majorités sur les objets qui les intéressent lorsqu'une majorité « automatique » ne sera pas garantie. Mais le paysage politique qui sort de ses élections est, à quelques éléments près, (l'affaiblissement du PLR, de l'UDC et des Verts, le renforcement des Verts libéraux et du PBD), grosso modo le même que celui qui y était entré, quoi qu'en disent déjà les media. Le parlement suisse était de droite, il le reste. La gauche était minoritaire, elle le reste. Le centre était improbable, il est fragmenté. Et pour surmonter ce rapport de force, nous devrons continuer à user des moyens de la démocratie directe (le référendum, l'initiative) et tenter de reconstruire un mouvement social de changement, en nous appuyant sur cette part de la Suisse où nous sommes les plus forts : les villes.

Trois arbres plus petits, des arbustes plus grands, mais la même pépinière...


Et si, pour l'avenir de la Suisse, ce qui s'est décidé (ou non) lors du sommet européen de ce week-end était plus déterminant que ce qui est sorti des urnes ce dimanche (où l'on aura moins voté en Suisse qu'en Tunisie...) ? Et si le « destin de la Suisse » se jouait plus fortement et plus directement dans le sort politique qui sera fait à un Berlusconi et un Sarkozy dans les mois à venir, que dans l'élection, en décembre, du nouveau gouvernement de ce pays (« nouveau » comme est « nouveau » le Parlement fédéral élu hier...) ? En tout cas, dans les pays qui nous entourent, et dans les pays qui entourent les pays qui nous entourent, ce sont les mêmes problèmes qui se posent et les mêmes enjeux qui s'imposent que ceux qui nous avons à affronter, et ce sont les mêmes types de choix que ceux que nous avons à faire, mais, ailleurs, avec une ampleur, une gravité et une urgence incomparables à celles d'ici. Les Suisses le savent bien : leur crainte à eux, c'est que les problèmes des autres, et les autres eux-mêmes, finissent par arriver chez eux. C'est pourtant une vieille histoire : nous avons pris, depuis bientôt un siècle (depuis 1918...) l'habitude de compter plus sur les volontés, les capacités et les mouvements de changement chez nos voisins que chez nous... La Suisse avait pourtant su faire sa révolution mieux que la France, l'Allemagne ou l'Italie -mais c'était il y a 160 ans, lorsque sa révolution était la seule à avoir réussi, à s'être installée dans la durée quand toutes celles d'Europe étaient confisquées, étouffées ou écrasées, et que la Suisse fut pendant vingt ans la seule république et la seule démocratie (à l'aune de l'époque), même bourgeoise, du continent, et qu'elle était de ce fait même devenue la terre d'asile de tous les révolutionnaires d'Europe, de l'Atlantique au Caucase... L'un des paradoxes de ce dimanche électoral n'est-il d'ailleurs pas que l'un des grands perdants du scrutin (avec l'UDC, mais elle n'est pas en recul constant depuis vingt ans...) soit précisément le parti politique héritier (mais infidèle à son legs) qui fit cette révolution quarante-huitarde victorieuse, et qui aujourd'hui n'est plus capable que de se définir ainsi par la voix de son président, Fulvio Pelli, : « nous ne sommes pas un parti du centre. Nous sommes à droite du centre ». Mais comme le « centre » est, politiquement, un concept creux qui ne désigne guère ce que la vieille géographie révolutionnaire française désignait comme « le marais », à la droite de quoi diable peut bien être le PLR ?. D'aucuns verront sans doute une injustice dans la défaite du PLR, comme si l'on devait voter pour un parti en remerciement de ses mérites passés et trépassés. Nous y verrons plutôt, nous, une ironie de l'histoire -ou le prix de son oubli par les descendants de ceux qui naguère surent la faire. Parce que pour le reste, que le PLR et le PDC perdent des sièges au profit du PBD ou des Verts libéraux, ou que l'UDC recule (mais en restant le premier parti du pays) cela ne change pas grand chose au paysage politique fédéral -si ce n'est qu'en cette rupestre pépinière trois grands arbres auront rapetissé et deux arbustes auront grandi. Le luxe d'une démocratie apaisée, peut-être, où le « bouleversement » proclamé se réduit au gain par le PBD de ce que l'UDC a perdu et à la perte par les Verts de ce que les Verts libéraux ont gagné. Avec une petite satisfaction, tout de même : L'UDC aura dépensé 20 millions de francs pour perdre sept sièges. Il y a donc une morale possible au fond des urnes...

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