Légumes bios d'Almeria : développement durable et exploitation pérenne

Les damnées de la serre

Elles travaillent de neuf heures du matin à une heure du matin suivant pour emballer les légumes qui finiront dans nos supermarchés, sous l'étiquette « bio » : l'exploitation des ouvrières agricoles d'Almeria, en Andalousie, l'une des plus grandes régions maraîchères d'Europe, s'est mise au goût du jour. On y fait dans le « développement durable ». Et l'exploitation pérenne. Le SOC, syndicat de ces damnées et de ces damnés de la serre, a besoin de soutien. Le SOLIFONDS lance un appel à la solidarité pour le lui apporter. Avant d'aller acheter vos légumes à la Migros ou à la Coop du coin, pensez à celles (surtout) et ceux qui se seront épuisés à les cultiver, les laver et les emballer.
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Nous bouffons bio, le bio les bouffe

Pendant longtemps, les cultures intensives de la région espagnole d'Almeria ont été synonymes d'un usage intensif de pesticides. L'agroalimentaire s'y est mis au « bio ». C'est dans l'air du temps. Mais si on a renoncé aux pesticides à Almeria, on n'y a pas renoncé à l'exploitation des ouvrières et des ouvriers. Leur syndicat, le SOC, dénonce : les conditions de travail sont toujours aussi exécrables, et les salaires toujours aussi misérables. On travaille jusqu'à 16 heures par jour à l'emballage pour un salaire inférieur au salaire minimum légal de 6,15 euros de l'heure, les heures supplémentaires ne sont pas payées, et si les ouvrières passent plus de cinq minutes aux toilettes, on leur retient une demie-heure de salaire sur leur paie. Des conditions de travail moyenâgeuses ? Pour le moins, car il faudrait sans doute en revenir au temps de la construction des pyramides par les esclaves des pharaons pour avoir un point de comparaison crédible. L'exploitation de ces travailleuses (elles sont 10'000) est rendue d'autant plus aisée que la grande majorité d'entre elles sont des immigrées nord-africaines, aux côtés d'autres immigrées est-européennes ou latino-américaines. Si elles perdent leur emploi, elles perdent leur titre de séjour et sont renvoyées dans leur pays. Leurs employeurs ne se privent pas de jouer de cette précarité statutaire, pour y ajouter la précarité matérielle, en nappant le tout de xénophobie, voire de racisme (on se souvient, ou on le devrait, des ratonnades organisées il y a quelques années dans la région, contre précisément les travailleurs agricoles nord-africains). Un exemple renforçant un discours, nous prendrons ici celui de l'entreprise Bio Sol, certifiée par « Bio Suisse » au nom de la qualité environnementale de sa production (la question de savoir s'il est « environnementalement qualitatif » de cultiver sous serre des légumes hors-saison a-t-elle été posée ?), laquelle production se retrouve aussi bien à la Coop qu'à la Migros. Contrats précaires, à re-signer tous les trois mois avec une société différente du groupe Bio Sol, pour contourner les droits sociaux liés à l'ancienneté de l'emploi; répression antisyndicale et menaces de licenciements : Bio Suisse, la Plateforme pour une agriculture socialement durable et la Coop étaient intervenues pour que Bio Sol revienne sur des licenciements abusifs, réengage ou indemnise les ouvrières licencées, signe avec les syndicats une convention, traite correctement son personnel, respecte le « dialogue social » et les droits syndicaux... la convention a été signée, mais dès que les organisations suisses ont eu le dos tourné, les pratiques auxquelles la convention devait mettre fin ont repris. Les profits des maraîchers de la région d'Almeria sont à ce prix : celui de la surexploitation des travailleuses et des travailleurs, du mépris de leurs droits, et du contournement de toutes les pressions qui peuvent survenir pour mettre fin à ce qui n'est qu'une modernisation du servage. Comme l'écrit le Solifonds : « Le comportement de Bio Sol montre à quel point il est nécessaire que les ouvrières sur place s'organisent » pour défendre leurs droits. C'est à cette organisation, par le syndicat SOC, que le Solifonds veut apporter son aide matérielle, et qu'il nous demande la nôtre pour pouvoir le faire.
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