Pourquoi Sandrine Salerno s'en prend-elle plein la gueule ?

Ciel ! Une militante !

Attaquée de toute part avec... disons : un certain acharnement, Sandrine Salerno est à la fête... Cette chasse à la sorcière a bien une cause, une raison, et une logique. Qui nous sont données par le directeur de « Genève Place Financière » dans la «Tribune » de vendredi : Sandrine Salerno a « dit tout le mal qu'elle pense » de la haute finance, des multinationales et du négoce de matières premières. Or Sandrine Salerno est « responsable des finances de la plus importante commune du canton, celle qui projette le nom et la réputation de Genève dans le monde entier ». Ses déclarations ont donc « une portée symbolique forte, tant en Suisse qu'à l'étranger » -où, soit dit en passant furtivement, on se contrefout de savoir qui a demandé à un porte-plume de se faire passer pour une nonnette et pourquoi un ancien directeur de la culture a été engagé comme directeur des ressources humaines avant de passer préfet des études dans un internat papiste.


Chi il suo cane vuol ammazzare, qualche scusa ha da trovare


En plaidant pour un autre modèle de développement de Genève, Sandrine Salerno a donc fauté, contre la place financière genevoise (et les hôtels cinq-étoiles). Et cette faute s'est ajoutée à une autre, plus ancienne, que l'UDC Eric Bertinat a le premier et le mieux résumé : de n'avoir pas cessé d'être une militante en devenant une magistrate. De ne pas avoir oublié pourquoi, et par qui, et contre qui, elle avait été élue. De n'avoir pas cessé, et de ne donner aucun signe de vouloir cesser d'être une militante en devenant une magistrate. Dans Le Matin Dimanche d'hier, le dispensable Rothenbühler en remet une couche, du même crépi : être une « politicienne militante de gauche », c'est «incompatible » avec une fonction de magistrate. C'est vrai, ça. D'ailleurs, les militantes de gauche, elles ne devraient même pas pouvoir être candidates à un exécutif. Voter, peut-être, et encore. Mais être candidates, et pire, élues, c'est le début de la fin de tout. Plus sérieusement, admettons que la querelle porte sur bien autre chose : « La question n'est pas de savoir quelle Genève nous souhaitons, avec quel développement et à quel prix, comme le dit Mme Salerno », mais de savoir comment « 'adapter » au monde tel qu'il fonctionne, estime le directeur de « Genève Place Financière ». Eh bien non : la question est bien celle posée par la Conseillère administrative socialiste. Que l'adaptation au monde tel qu'il est et tel qu'il fonctionne soit le credo du porte-parole de la Genève financière est dans l'ordre des choses : ce monde est le sien, et il est même, vraisemblablement, le seul que ce brave homme conçoive comme possible. D'où l'injonction à quiconque ne se loverait pas avec la même conviction dans la même certitude, d'aller discourir ailleurs, et d'autre chose. Or il se trouve que Genève Place Financière, le Groupement des Hôtels genevois cinq étoiles, celui des banquiers privés, la Chambre de commerce et les syndicats patronaux ne sont pas à eux seuls, la totalité de la Genève réelle, ni la seule Genève qui ait le droit de parler. Il se trouve que cette ville ne pense pas, n'agit pas, ne vote pas, n'élit pas comme le souhaiteraient les coupoles et les lobbies financiers. Il se trouve que Genève s'est dotée depuis vingt ans d'une Municipalité de Gauche, qu'elle y a élu et réélu Sandrine Salerno. Et qu'on n'élit pas une socialiste à l'exécutif d'une ville, et qu'on n'élit pas dans cette ville une municipalité de gauche, pour que cette socialiste et cette municipalité fassent ce que les porte-paroles du secteur financiers veulent que l'on fasse. Si ces braves gens attendent du discours des magistrats municipaux de la Ville de Genève qu'il soit le discours qu'eux-mêmes tiennent, eh bien qu'ils se débrouillent pour que, démocratiquement, soit élue une Municipalité qui leur convienne et leur obéisse. Qu'ils présentent des candidats capables de se faire élire. Qu'ils constituent une majorité politique. Or ils en sont incapables. Et tant qu'ils en seront incapables, ce n'est pas le discours de Sandrine Salerno qu'il faudra tenir pour impertinent à Genève -c'est le discours de la place financière genevoise et de ses commis politiques et médiatiques. La droite accuse Sandrine Salerno de « cracher dans la soupe » ? mais si le brouet est d'une telle insipidité qu'il faille ainsi l'épicer, la faute ne devrait-elle pas peser sur les cuisiniers du libéralisme financier à la genevoise ?

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