« Primaires » socialistes françaises : La gauche en choix...

Dimanche soir, il restera deux socialistes français à prétendre à la désignation comme candidat-e du parti à la présidence de la République, contre Nicolas Sarkozy : le premier tour des « primaires » aura choisi d'entre les six candidates et candidats à la candidature, les deux (vraisemblablement, sauf grosse surprise, François Hollande et Martine Aubry) qui concourront pour être celui ou celle qui, l'année prochaine, portera les couleurs du PS au premier tour de la présidentielle, et devra rassembler la gauche au second tour (en ayant surmonté l'obstacle du premier, contre lequel s'était fracassé Lionel Jospin) . Mais si ces « primaires » sont peut-être un bon moyen, pour le PS, d'intéresser les Françaises et les Français à son choix, c'est en réduisant ce choix au point de le dépolitiser...

Ce que vaut le choix d'un melon dans une corbeille de melons


En faisant de la présidence de la République la réelle chefferie de l'Etat, la Veme République a concentré sur sa conquête toutes les obsessions politiques : celles des grands partis, celles de leurs chefs et celles des sous-chefs qui, en cas de victoire du chef (ou de la cheffe) pourront espérer un ministère. Le PS n'y échappe pas, ni ses dirigeants. Les « tendances », que le parti avait au départ légitimées sur la base de divergences idéologiques, programmatiques, de culture politique, ne sont plus que des écuries présidentielles. Les «primaires» participent de cette même logique, de cette même obsession, de cette même réduction du conflit politique à un conflit d'ambitions politiques elles-mêmes réduites à des ambitions de pouvoir. La compétition entre les six socialistes candidat-e-s à la candidature sera arbitrée (puisque toute personne inscrite sur les listes électorales peut y participer) par des électrices et des électeurs dont on ne connaît ni les choix, ni les affiliations politiques, et qui en tout cas n'ont jamais cru bon d'adhérer au parti dont ils vont pouvoir co-désigner le candidat ou la candidate à la «magistrature suprême». Et les favoris de ces «primaires» la jouent donc, dans ce « premier tour », profil rassembleur -un peu plus à gauche pour Aubry, un peu plus à droite pour Hollande, mais en se gardant l'un et l'autre de tout écart qui pourrait leur faire perdre un soutien. Et le débat politique, là-dedans ? Il est mené par deux autres candidats à la candidature : Arnaud Montebourg, à la gauche du PS, et Manuel Valls, à la droite du PS. L'un et l'autre défendent des positions et font des propositions discriminantes, qui les situent dans le paysage politique, l'un, Montebourg, clairement à gauche, l'autre, Valls, quelque part au « centre », pendant que Hollande et Aubry font tout pour ménager la chèvre, le chou et le piquet et que Royal tente de maintenir ce qu'îl reste de sa pieuse image. Les « primaires » sont ainsi, politiquement, une sorte de trou noir, qui va engloutir les projets politiques, aspirer la lumière (la dialectique) de leurs contradictions, faire disparaître les aspérités de leurs discours. Pour François Hollande, qui fait la course en tête dans les sondages, « le programme n'est pas l'élément déterminant » du choix des « primaires », qui serait guidé par « la personnalité, l'ordre des priorités, la capacité à gagner » et ce qu'il est convenu d'appeler la « stature présidentielle » -dont pourtant l'improbabilité chez Sarkozy ne l'a pas empêché d'être élu. Mais si un programme politique n'est pas l'élément déterminant d'un choix politique, que peut bien valoir ce choix ? Ce que vaut le choix d'un melon dans une corbeille de melons ? On renifle, on tâte, on regarde, et on choisit à la texture, l'odeur et la couleur ? Les «primaires» sont, peut-être, un bon « coup » médiatique pour le PS. Et une belle occasion pour les candidates et les candidates à la candidature d'astiquer leur ego sous les feux des projecteurs. Mais de quel prix se paie ce « coup » qu'à Genève, certains, au PS, rêvent de faire aussi, en plus petit, pour la désignation des candidat-e-s au Conseil d'Etat ? Du prix d'un débat politique tronqué, réduit à des affrontements d'images, des bricolages d'alliances, et surtout, de la dévaluation de la notion même d'engagement politique sur un programme, pour un projet

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