Quand un tribunal français cède à une provocation islamiste

Tous voiles dehors !

En France, deux femmes ont, pour la première fois, été condamnées (à de modestes amendes) pour avoir porté le voile intégral sur la place publique. C'est le tribunal de police de Meaux qui a pris cette décision, qui enchante les deux intégristes, puisque c'est précisément ce qu'elles cherchaient : une condamnation leur donnant la possibilité de recourir, d'abord en cassation à Paris, puis devant la Cour européenne des droits de l'Homme, pour violation de la liberté religieuse, avec l'ambition de faire annuler la loi prohibant le port du voile intégral en public. Bref, le tribunal est tombé lourdement dans un piège à cons. Et comme le suggérait Jean-Noël Cuénod sur son blog, il aurait été infiniment plus intelligent, et plus ironique, de condamner les deux femmes à suivre un « stage de citoyenneté », à visage découvert, puisque c'est ainsi que doit se vivre la citoyenneté

La citoyenneté : à visage ouvert et à figure humaine

A Genève, une loi cantonale datant de 1875 et toujours en vigueur interdit à toute personne ayant un domicile ou une résidence dans le canton le port sur la voie publique « de tout costume écclésiastique ou appartenant à un ordre religieux » (ce qui d'ailleurs ne devrait concerner ni le hidjab, ni la burqa, ni même le « voile islamique », puisqu'ils ne s'agit pas de costumes écclésiastiques ou liés à un ordre religieux). Et la même loi interdit cérémonies et processions religieuses sur la voie publique (ce qui a permis d'interdire la prière sur le trottoir devant le Centre islamique des Eaux-Vives). En 1876, le Tribunal fédéral avait confirmé la loi genevoise en estimant que « la liberté de se vêtir à sa guise » n'est pas une liberté absolue, puisqu'on ne peut pas se promener nu, ni affublé d'un étui pénien ou de plumes dans le fondement. Inscrire, positivement (comme une obligation) ou négativement (comme une interdiction) un code vestimentaire religieux dans une constitution ou une loi est donc en effet assez absurde dès lors que l'on va au-delà de l'évidence rappelée par le TF suisse. Interdire la burqa ? Oui, mais ni plus, ni moins, et en même temps, que toute vêture, tout travestissement ou tout équipement masquant le visage en dehors des périodes carnavalesques (Escalade et Halloween compris) ou des nécessités précautionneuses (l'usage du casque intégral lorsque l'on circule, par exemple). Il suffirait donc, et il aurait suffi au législateur français, d'interdire, en général, de se masquer sur la voie publique, pour ne pas se retrouver comme il l'est aujourd'hui par les deux islamistes de Meaux accusé de violation de la liberté religieuse -une accusation d'ailleurs absurde dans le cas des voiles intégraux dits « islamiques », puisque l'islam ne les prescrit pas, et qu'ils relèvent de vieilles traditions tribales et non d'un impératif religieux. Le Coran ne dit rien de plus, à notre connaissance (certes assez limitée, compte tenu de notre peu d'assiduité à la fréquentation des medersas) que ceci (XXIV.31) : « Et dis aux croyantes de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines » . Rien de plus, en somme, que de ne pas se balader seins nus. Le « plus » s'ajoutant à la prescription coranique et se mesurant en métrage de tissus pour empaqueter les femmes (mais seulement les femmes), c'est l'héritage non pas religieux mais social, patriarcal, des sociétés moyen-orientales et méditerranéennes (les Siciliennes, les Sardes, les Calabraises, les Corses, les Grecques, -toutes, et même les Valaisannes, étaient couvertes au moins d'un foulard ou d'un châle, au moins jusqu'au milieu du siècle passé, et sans pour autant avoir été « islamisées ») -un héritage dont le voile des religieuses chrétiennes pourrait bien, lui aussi, témoigner. Quant au voile intégral, au tchador ou à la burqa, là encore il s'agit d'un héritage patriarcal, pré-islamique, d'une survivance, à combattre comme telle, parce que n'étant imposée qu'aux femmes, et étant de ce fait en totale contradiction avec le principe d'égalité. La liberté personnelle de se vêtir comme on le souhaite implique certes la liberté de se voiler, mais pour autant qu'il s'agisse d'un choix libre et qu'il ne soit pas contradictoire de quelques principes élémentaires de civilité, comme celui d'être à figure humaine. Au sens le plus strict du terme, le voile intégral défigure. Il défigure celles qu'il empaquète et il défigure la citoyenneté des femmes. De toutes les femmes, y compris de celles qui font du voile un étendard -non celui du Prophète, mais celui de leur propre aliénation.

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