Accord européen pour « sauver » la Grèce, l'euro ou les banques ?

Hellas, trois fois Hellas...

Les chefs d'Etat et de gouvernement de la « zone Euro » (l'Union Européenne est hors course en tant qu'espace politique) étaient parvenus à un « accord de principe » pour réduire de moitié la dette de la Grèce, recapitaliser les banques qui vont perdre une partie de leurs créances et renforcer le Fonds européen de stabilité financière. Un accord tardif, insuffisant, qui va probablement manquer sa cible, et fait l'impasse sur les responsabilités dans la crise financière européenne -à commencer par celle d'un système qui, au lieu de mobiliser des ressources financières pour un plan de relance les mobilise pour boucher un trou qu'il a lui-même creusé. Et voilà que, patatras ! la démocratie s'invite dans le souk !

Concordance arithmétique, concordance programmatique et attrait de la mangeoire

Les dirigeants européens ne sont pas venus au secours de la Grèce : ils sont venus au secours de leurs banques, que la crise grecque menace et que menaceraient plus encore des crises du même type si elles survenaient en Espagne ou en Italie, voire en France. Les banquiers ne sont pas prêts à abandonner leurs créances envers la Grèce, à moins que les Etats les paient pour eux. Et quand nous disons les Etats, il faut bien comprendre : les peuples de ces Etats. Les salariés, les retraités, les jeunes en formation, les allocataires sociaux. Parce que quoi qu'on en ait pu dire ou en rêver, il ne faut pas compter sur les « pays émergents » en général, et sur la Chine en particulier, pour payer. S'ils s'inquiètent à juste titre de la situation, c'est qu'elle menace leurs exportations sur un marché essentiel pour eux -le marché européen. mais ils n'ont pas, eux, les moyens de faire à la place des Européens le travail que les Européens doivent faire : si considérables que soient la Chine, l'Inde ou le Brésil, ces pays ne pèsent encore pas plus lourd, économiquement, que l'Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne. Et pas plus que les banques européennes, ils ne sont animés d'un esprit charitable. Les Etats de la zone euro sont tombés d'accord pour réduire de moitié la dette grecque, mais en payant les banques pour qu'elle acceptent cette réduction. Et en la faisant payer aux Grecs, par une politique d'austérité sur laquelle on a donc appris hier que les Grecs allaient pouvoir se prononcer, par référendum, dans trois ou quatre mois. Cette annonce par le Premier ministre grec de la tenue d'un référendum sur le plan européen, et ses conséquences sur la Grèce, a paniqué « les marchés », fait chuter les bourses et mis quelques dirigeants européens (dont Sarkozy) dans tous leurs états : mais de quoi il se mêle, ce Grec qui veut demander aux Grecs ce qu'ils pensent de la sauce franco-allemande (mais surtout allemande) à laquelle les Grecs vont se faire bouffer ? Et s'ils n'aimaient pas cette sauce, les Grecs, et disaient « non » au « plan européen » et à la cure d'austérité qui l'accompagne ? Ils auraient quelques raisons de le dire, ce « non » : depuis bientôt deux ans, la Grèce subit l'une de ces politiques d'« ajustement » que les puissances financières avaient accoutumé d'imposer aux Etats plébéiens du Tiers-Monde. Il s'en est suivi en Grèce une récession d'une brutalité incomparable à celles que connaissaient les autres économies nationales en Europe. Quoiqu'en pensent et en disent les « dirigeants européens », le référendum annoncé, puis annulé par Papandréou aurait été une excellente chose, parce qu'il aurait permis à tout un peuple de dire, dans les urnes après l'avoir dit dans la rue, ce qu'il pense de la manière dont on le traite. Il y avait donc bien, pour les banquiers et les décideurs politiques à leur service depuis le début de la crise financière mondiale, un « risque grec ». Un risque auquel ils ont paré en faisant chuter l'impudent référendaire. Un risque qui porte un beau nom bien grec : la démocratie.

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