Elections espagnoles : une défaite méritée

L'opposition pour les uns, l'austérité pour tous

La droite espagnole (et espagnoliste) du Parti Populaire (PP) a donc remporté, largement, les législatives, en obtenant son meilleur résultat depuis que des élections démocratiques lui sont imposées (elle n'avait en effet pas trop de soucis à se faire pendant les quarante années de franquisme...). Pour les socialistes du PSOE, la sanction est lourde, et sans doute méritée : quand les socialistes font une politique de droite, à quoi cela peut-il bien servir de voter pour les socialistes ? Mais ce n'est pas le PSOE qui va payer le plus lourd prix de sa défaite (lui va pouvoir se refaire une santé, une ligne et une cohérence dans l'opposition) : ce sont toutes les Espagnoles, et tous les Espagnols. Y compris la plupart de celles et ceux qui ont voté pour la droite : la cure d'opposition du PSOE lui sera moins dure, et bien plus profitable, que la cure d' « austérité » que la droite va imposer à l'Espagne.

Du bon usage obligé d'une défaite inévitable

Les socialistes espagnols paient, apparemment au prix fort (mais il détiendront tout de même encore, à eux seuls, le tiers des sièges à la Chambre basse du parlement) leur incapacité à donner une réponse de gauche à la récession économique, au chômage (21,5 % de la population active) et à la crise financière. Ils paient surtout le fait d'avoir finalement accepté de se laisser contraindre à imposer à l'Espagne une première cure d'austérité (gel des retraites, baisse des salaires, arrêt des grands chantiers publics). C'est cette politique engagée par les socialistes, à l'inverse de la plus prudente des politiques social-démocrates de relance, que la droite a promis de durcir (et c'est une promesse qu'elle tiendra) pour « rassurer les marchés », qui tient en un objectif, faire 20 milliards d'euros d'économies, et en trois moyens : démantèlement social, licenciements, privatisations. Cette politique trouvera-t-elle non seulement son opposition, mais aussi, et surtout, son alternative ? La défaite des socialistes espagnols leur impose en tout cas quelque chose qui tient d'une «refondation» d'un mouvement politique socialiste, d'autant que toute la gauche n'a pas sombré, et que la victoire du PP n'est écrasante que par le fait de l'abstention -il n'a guère gagné d'électeurs : c'est le PSOE qui en a perdu, passés dans l'abstention (40 %), le vote blanc ou le vote nul. Le paysage politique espagnol n'est pas dévasté: non seulement le PSOE est désormais, et de loin, le premier parti d'opposition, mais les forces qui se situent à sa gauche progressent au plan national avec la Gauche Unie et en Euzkadi, avec la percée d'Amaiur, alors que les régionalistes catalans, plus proches du PSOE que du PP, progressent également. Certes, la droite contrôle la moitié des municipalités du pays et les deux tiers des communautés autonomes, mais si la droite dure (le PP) est majoritaire au parlement, elle ne l'est pas dans les urnes, l'opposition de gauche (hors PSOE) et les régionalistes pèsent plus du quart de l'électorat (et le PSOE un autre quart), la gauche conserve sur le terrain des points d'appuis qui lui seront précieux, si elle sait s'en servir, et surtout si le PSOE arrive à se retrouver comme parti socialiste. En le poussant dans l'opposition, sa défaite le déshabille d'oripeaux gouvernements qui l'avaient rendu méconnaissable. Il ne dépend que de lui de pouvoir se représenter sous des atours plus présentables, et surtout avec un programme plus mobilisateur, et une volonté plus convaincante de le respecter que celle dont le défaut lui a fait perdre les soutiens dont il disposait lorsqu'il avait repris le pouvoir à la droite, et que Zapatero et les siens menaient une politique, défendaient des choix et menaient des projets dignes d'un parti socialiste et non d'un syndic de faillite. Il y a encore en Espagne une gauche forte, et un mouvement social capable de s'opposer à ce que la droite veut mettre en oeuvre, après que des socialistes oublieux d'eux-mêmes aient commencé à montrer le funeste exemple de la soumission aux « marchés » et du renoncement à la politique elle-même.

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