La traversée routière de la rade : Roses-verts prêts au ralliement ?


De petites prudences rhétoriques dans les débats électoraux des Fédérales laissent supposer qu'une partie de la gauche soit prête à se rallier au projet de traversée routière de la Rade de Genève. « Une réflexion est en cours », lâche, sibyllin, le président des Verts, Yvan Rochat, confirmé par son homologue socialiste, René Longet : « le non ferme est une position révolue car l'offre des transports a évolué ». On n'ironisera pas (c'est pas notre genre) sur l'hypothèse qu'un « non » ferme, à quoi qu'il soit opposé, ait jamais été de l'habitude du PS ou des Verts. On se contentera de se demander ce qui pourrait bien justifier que la gauche se rallie à un projet qu'elle combattait.

Pour gagner un quart d'heure entre Malmö et Naples ?

La gauche a donc entamé, avec les précautions d'usage (« il faut nous prouver l'utilité » de cette traversée, et l'accompagner de mesures en faveur des transports publics et de la mobilité douce -genre passage de pédalos sous le pont ou sur le tunnel ?), un prudent commencement de retournement de veste à propos de la traversée routière de la rade. Mais on en est encore à se demander pourquoi. Parce que ce projet est toujours celui que socialistes et Verts combattaient avec d'excellents arguments. Qui sont toujours pertinents. Le projet présenté par Mark Muller en octobre 2009 est celui d'une traversée, en pont ou en tunnel, reliant le Vengeron sur la rive-droite à la Pointe à la Bise sur la rive gauche, et au-delà, en tunnel et en tranchée, à Thônex en passant par Choulex. La faisabilité de l'opération, indépendamment de tout critère d'opportunité, reste douteuse : la géologie du lac est « difficile », l'impact sur la zone phréatique problématique, l'arrivée sur la rive gauche se fait dans une réserve naturelle, la dernière roselière lacustre du canton (mais les cygnes et les canards ne peuvent pas faire recours, contrairement aux propriétaires de villas) et le projet tombe alors qu'on est en train de «renaturer» une rivière dans la zone d'emprise sur la rive gauche -la Seymaz, Quant à l'utilité même de la traversée routière du lac, ses partisans affirment qu'elle permettra de « désengorger le centre-ville » alors que le plus probable est qu'elle l'engorgera encore un peu plus, en facilitant les déplacements automobiles d'une rive à l'autre -mais qui habite à Nyon et travaille à Douvaine, ou l'inverse ? La grande majorité des usagers régionaux de ce nouvel axe routier (dont l'utilité s'impose surtout pour gagner un quart d'heure sur le trajet de Malmö à Naples via le tunnel du Mont-Blanc...) l'emprunteront pour se rendre en ville. Et s'y embouteiller. Comme ils s'y embouteillent déjà. Mais en s'y embouteillant un peu plus tôt. La traversée routière de la rade est l'un des « grands projets » agités par la droite genevoise dans sa campagne électorale pour les élections fédérales de la fin du mois. Un grand projet, voui. A l'aune de la grandeur des visions politiques de la droite genevoise, en tout cas -mais que diable la gauche rose-verte irait-elle faire à ramer pour cette barcasse ? Et qu'y gagnerait-elle ? La considération du TCS, la gratitude de « Feux Verts » et le ricanement des mouettes ?

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