On vote dimanche sur le Salaire minimum à Genève et Neuchâtel : Pour le principe, et pour l'instrument

Même si (et telle est notre attente) les citoyennes et citoyens de Genève et de Neuchâtel acceptaient, le 27 novembre, l'introduction d'un salaire minimum dans leurs cantons, (dans le canton de Vaud, ce principe a été refusé à une courte majorité de 51,1 %), ce salaire ne sera pas instauré tout de suite : on va voter sur un principe -celui d'assurer aux travailleuses et aux travailleurs un revenu tiré de leur travail et leur permettant de n'avoir pas besoin de recourir à l'assistance pour boucler leurs fins, ou leurs milieux, ou leurs début de mois (il faut au moins 4500 francs par mois par personne adulte, en moyenne suisse, pour pouvoir vivre normalement, mais sans pouvoir épargner un sou en cas de coup dur). Le principe que proposent d'instaurer les initiatives cantonales, et qui devra être concrétisé lors du vote sur l'initiative fédérale lancée par Unia, l'USS et le PS, est à la fois fondamental et instrumental : fondamental en tant que principe de justice, instrumental et indispensable, pour lutter contre la sous-enchère salariale.

Du dialogue social comme monologue patronal


A Genève, l'initiative populaire soumise au vote dimanche prochain, et que la majorité de droite avait tenté d'invalider au Grand Conseil, demande au canton d'instituer un salaire minimum « en tenant compte des secteurs économiques ainsi que des salaires fixés par les conventions collectives », le niveau du salaire minimum étant fixé par le Grand Conseil. Sur ses affiches électorales la droite annonce la couleur : pour elle, le niveau du salaire minimum c'est celui de l'assistance publique, 2500 francs par mois. Pour la gauche et les syndicats, en revanche, c'est autour de 4500 francs par mois. L'initiative fédérale de l'USS propose, elle, un salaire horaire de 22 francs de l'heure, soit 4000 francs par mois pour un plein temps de 43 heures. Ce salaire minimum serait indexé à l'inflation et à l'évolution générale des salaires, et les cantons pourraient édicter des mesures rehaussant ce plancher pour l'adapter à leur contexte (coût de la vie, niveau des salaires). On est donc bien loin, tant avec les initiatives cantonales qu'avec l'initiative fédérale, des 2500 francs par mois que le patronat agite, en nous signalant par là-même qu'il est prêt à payer à Genève des femmes et des hommes 2500 francs par mois pour un travail à plein temps, quand il ne le fait pas déjà, ou s'en approche. Evidemment, un salaire minimum de 4500 francs par mois, ça ne ferait pas l'affaire du patronat du nettoyage, qui hurlait à la mort quand la Ville de Genève voulait faire en sorte que les employées et les employés des sociétés privées à qui la Ville sous.traite (pourquoi, d'ailleurs ?) le nettoyage de ses locaux soient payé-e-s 25 francs de l'heure au lieu de 18 francs et cinquante centimes. Situons un peu ces niveaux : on considère comme des « salaires de pauvreté » ceux qui sont inférieurs aux deux tiers du salaire médian, ce qui équivaut en Suisse à 4000 francs (le niveau national proposé pour le salaire minimum par l'initiative syndicale) et à 4200 francs à Genève. Ce niveau est même inférieur à celui suggéré par l'enquête de l'Office fédéral de la statistique sur les revenus des ménages en 2009, enquête qui suggère un seuil de 4900 francs mensuels brut en dessous duquel il est impossible de constituer la moindre réserve financière, et au niveau duquel la totalité des ressources disponibles est consacrée aux dépenses essentielles (dont 12 % aux impôts, 10 % aux assurances sociales, 5 % à l'assurance maladie, 13 % à l'alimentation, 15 % au logement et à l'énergie, 7,7 % aux transports...) Un-e salarié-e suisse sur dix doit se contenter d'un tel salaire, ou d'un salaire encore moindre : ce sont les « travailleurs pauvres ». Et certaines conventions collectives prévoient des salaires inférieurs à 4000 francs pour un plein (et long) temps, dans l'hôtellerie et la restauration, l'horlogerie, le nettoyage, la coiffure, l'esthétique ou les soins domestiques. On s'autorisera donc à doucement ricaner en lisant (notamment dans « Entreprise Romande » du 11 novembre) et en entendant les vibrants plaidoyers du patronat en faveur d'un « partenariat social » que l'introduction d'un salaire minimum mettrait à mal, quand ce même patronat -et pas seulement Novartis- le piétine allègrement quand il s'agit de licencier par charrettes entières pour sauvegarder (ou faire remonter) le cours des actions. On rappellera au passage que ce fameux « partenariat social » aboutit à ce que la majorité des salariés de ce pays ne sont pas protégés par une convention collective, et qu'une CCT sur dix ne prévoit pas de salaire minimum. Plaidant contre l'instauration d'un salaire minimum, en qui elle voit une menace pour le «dialogue social», l'éditorialiste d' « Entreprise Romande » du 11 novembre conclut sombrement : «En ces jours moroses pour l'économie romande, ne tuons pas le dialogue social. C'est une de nos meilleures planches de salut ». Tel qu'il le conçoit, le « dialogue social » est en effet «en ces jours moroses», une excellente « planche de salut » pour le patronat. Mais pour lui seul. Ce dialogue est un monologue, qu'un « oui » peut interrompre : un « oui » à Genève et à Neuchâtel, à l'instauration d'un salaire minimum.

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