Affres budgétaires municipales : Un déficit, et alors ?

Résumé des festivités budgétaires de fin d'année : En Ville de Genève, la Commission des Finances du Conseil Municipal s'étant révélée incapable de faire son boulot d'examen du projet de budget présenté par le Conseil administratif, c'est donc en séance plénière que ce travail devra être fait. Sans aucune garantie qu'il le soit. Et la Ville n'aura peut-être pas de budget à la fin de l'année, puisque seule la gauche (c'est-à-dire les socialistes et « Ensemble à gauche ») est disposée à voter le seul qui sera proposé. Pas de budget 2012, et alors ? la Ville aurait recours aux «douzièmes provisionnels», c'est-à-dire au budget de l'année précédente, découpé en tranches mensuelles. Et on s'en satisferait fort bien : ce budget, c'était, pour l'essentiel, le nôtre...

Les neurones du politique ou la calculette du comptable ?

La droite municipale genevoise, complétée des Verts, a donc refusé d'examiner le projet de budget, au seul motif qu'il était déficitaire de 12 millions au lieu que d'être bénéficiaire de 2 millions comme initialement prévu (les estimations de rentrées fiscales pour 2012 ont été revues à la baisse). De toute façon, le projet de budget du Conseil administratif, la droite le refusait déjà lorsqu'il était bénéficiaire. Le déficit n'est donc qu'un prétexte à un nouveau refus, dont les raisons importent finalement assez peu, d'autant que pour la Ville le problème ne réside pas dans le budget, fût-il déficitaire, de l'année 2012, mais dans les menaces qui pèsent sur les budgets des années suivantes. Des menaces qui viennent toutes de la droite cantonale : elles consistent en ses propositions d'abolition de l'impôt municipal sur les entreprises (la « taxe professionnelle ») et d'abolition de l'imposition dans la commune de travail et dans la commune de domicile (au profit d'une seule imposition dans la commune de domicile). Ce seraient là plusieurs centaines de millions de francs qui manqueraient dans les caisses municipales. En multipliant les cadeaux fiscaux aux hauts revenus, aux grosses fortunes et aux multinationales, la droite cantonale avait déjà lourdement plombé les finances cantonales (et par ricochet, celles des communes). Il restait à parfaire cet exercice, en plombant les finances municipales. Pour pleurer ensuite sur les déficits des budgets communaux. Et la droite, par réflexe pavlovien, et les Verts, par conformiste comptable, de se mettre à entonner en choeur (polyphonique) l'hymne de « Halte au déficit ». Un déficit, c'est donc insupportable pour les Verts ? Message transmis au Ministre vert des Finances de la République et canton de Genève, qui s'apprête à présenter un budget équivalant à 7 ou 8 % du budget cantonal (le Conseil d'Etat avait prévu, fin septembre, un déficit de 429 millions, mais les recettes fiscales diminuent de 75 millions de francs par mois...). Car il faut bien les rappeler, ces proportions qui mesurent un déficit et, en Ville de Genève, son inocuité : celle d'un déficit équivalant à un centième du budget, soit une proportion moitié moindre que celle de la marge d'erreur des prévisions fiscales cantonales sur lesquelles se fonde ce budget municipal; un déficit dont le montant n'atteint même pas la seule subvention d'exploitation du Grand Théâtre; celle d'un déficit qui serait plus que largement couvert par une augmentation de 2 % (soit d'un « centime additionnel ») de l'impôt communal... A quoi sert un budget, et que recherche-t-on en le présentant ? Faire plaisir à des comptables ou assurer le financement de l'action publique, et d'une action d'autant plus indispensable que l'on traverse, précisément, une période de crise économique, sociale et financière, dont les « rigueurs » comptables auxquelles la droite et les Verts appellent aggraveraient encore les effets. S'interdire de créer des postes de travail en temps de chômage, réduire les prestations sociales quand de plus en plus de gens en ont besoin pour couvrir leurs besoins essentiels, se désengager de l'action culturelle quand elle ne peut plus guère compter que le financement public, s'en prendre aux services publics et à celles et ceux (la fonction publique) sans qui ils ne peuvent fonctionner quand on n'a jamais autant besoin d'eux qu'en des situations de crise, de quel aveuglément, ou pour le dire plus crûment, de quelle idiotie politique cela relève-t-il ? Il y a bien pire que le déficit budgétaire : le déficit de conscience des réalités et des effets, sur la vie des gens, d'une situation économique et sociale qui devrait imposer aux zélus du peuple de faire un usage plus intensif de leurs neurones que de leurs calculettes, et qui, en tout cas, a plus besoin de politiques que de comptables.

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