Fonds de tiroir

Dans le « Matin Dimanche » d'avant-hier, un ex-Constituant devenu président de la radio-télévisionsuisse, Raymond Lorétan, commet un papier consternant de bêtise technocratique et d'inculture politique, ressuscitant (en vain, et en regrettant que la Constituante ne l'ait pas fait sien) le vieux rêve de la droite genevoise (elle le cultive depuis plus de 150 ans) de réduire la Ville à un espace de pure exécution de décisions cantonales, c'est-à-dire, de fait ou de droit, d'abolir la Municipalité de Genève. Elle avait réussi à le faire pendant une génération, entre 1815 et 1847, ça avait abouti à une révolution (radicale). Si elle était cohérente avec son propre discours, c'est une solution à la bâloise qu'elle préconiserait : la transformation de la Ville en un demi-canton (ce que d'une certaine manière, dans les faits, la Ville est déjà, puisqu'elle assume des charges pour l'ensemble du canton, et pas seulement dans le domaine culturel). Certes, demander à la droite genevoise d'être cohérente avec quoi que ce soit, dans l'état où elle est, franchement, c'est croire au Père Noël, mais après tout, c'est de saison...

On ne sévit pas que dans « CauseS TouSjours », on sévit aussi dans « Le Courrier », tous les quinze jours, en page deux, dans une chronique libre qu'on signe l'« impoligraphe ». On vous dit pas ça pour que vous la lisiez (quoique...), mais parce que de temps à autre, on reçoit des réponses, des commentaires, des répliques à ce qu'on écrit dans cette chronique. Des réactions qui parfois savent mettre l'accent sur l'essentiel. Par exemple celle-ci, d'une brave dame de Chêne-Bourg, qui ne réagit pas à ce qu'on écrit, mais à la gueule qu'on a sur la photo qui accompagne notre billet. Tous les contributeurs à cette page en ont une, de photo, et, nous dit la dame, elles « sont toutes bien », ces photos, « sauf celle de Monsieur Pascal Holenweg, qu'on voit régulièrement en train de fumer ». Du tabac, ma brave dame, du tabac, les autres trucs à fumer, ça fait vingt ans que j'ai arrêté. Et ça lui plaît pas, à la dame, qu'on me voie la pipe au bec sur ma photo, parce que ça donne comme message que « fumer, ça a de la classe » (merci madame...) et que « c'est en tout cas normal », alors que « dans l'ensemble Le Courrier n'est pas en faveur de la tabagie » (il ne lui manquerait plus que ça, au « Courrier », déjà qu'il est pour la dépénalisation des drogues...). « Ce Monsieur ne peut-il pas vous fournir une autre photo ? », demande la dame. Voui, il pourrait, le Monsieur, mais il veut pas. Il fait sa mauvaise tête. Il se veut avec une bouffarde, le Monsieur. « Le Courrier » a posément répondu à la dame que ce sont les auteurs des chroniques qui ont choisi leur photo, en partant du principe que « toute personne a le droit de décider de l'image qu'elle même qu'elle souhaite rendre publique » et qu'on peut donc « admettre que la pipe de M. Holenweg fait partie de sa personnalité ». Ouais, disons ça. Et que l'image qu'il donne de lui-même avec sa bouffarde n'est pas pornographique. Bref, que sa pipe est montrable. Et que sa photo n'a pas « vocation d'inciter au tabagisme », pas plus que, s'il était obèse, sa photo n'inciterait à la goinfrerie. La dame n'a pas été contente de la réponse du « Courrier » et a dupliqué : « le tabagisme est une toxicomanie, et un accessoire du tabagisme, c'est la pipe ». « En donnant une aura à cet objet, vous contribuez à donner une image noble du tabac » car « ce monsieur est si sympathique qu'il donne envie de fumer » (merci, Madame). Et que « la répétition de la pipe fait l'effet d'une publicité » (quoiqu'à la longue, la répétition de la pipe peut aussi fatiguer, mais ça, la dame, elle le dit pas). Bon, ben voilà un débat de fond bien engagé. Je me demande si je vais pas changer de photo, moi. Tiens, le tableau de Magritte : « ceci n'est pas une pipe » , ça devrait aller... Ou alors Marushka Detmers dans le remake du « Diable au corps » ?

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