Nouveau réseau TPG : C.Q.F.D.

Après une bonne semaine de merdier, la première semaine de mise en service de leur nouveau réseau, les Transports Publics Genevois font leur autocritique : « Nous n'avons pas été à la hauteur », la nuisance des «points noirs» (Rive, le pont du Mont-Blanc, les Rues Basses) a été sous-évaluée... Ils sont parfaits, les TPG, dans le rôle du bouc émissaire. Certes, ce sont eux qui ont la charge de faire fonctionner leur réseau. Et ce sont eux aussi qui imposent à leurs conducteurs des temps de travail excessifs, des contrôles tâtillons et des cadences malsaines. Mais ce sont les « politiques », y compris une bonne partie de ceux qui peuplent le Conseil d'administration de l'entreprise, qui persistent à noyer ce réseau dans la circulation automobile, et à refuser de faire place, toute la place, contre la bagnole, aux transports publics en ville. Et ce sont leurs prédécesseurs, il y a deux générations, qui se sont acharnés à démanteler le réseau des trams, laissant aux « décideurs » du XXIe siècle le soin de le reconstituer, tant bien que mal, et sans leur donner les moyens de l'extirper du magma automobile...

Qu'importe le fiasco, pourvu qu'on ait le bouchon


« Genève a atteint ses limites entre les transports dans un espace restreint », partagé (et inégalement, et mal, partagé) entre les transports publics, l'automobile privée et la « mobilité douce », cycliste et piétonne: c'est le constat que tire la Tribune de Genève d'hier, et c'est en effet un constat d'évidence, et la manière la plus prudente de le dresser. Mais que faire de ce constat ? Quelle action en tirera-t-on ? Aucune, tant qu'on n'admettra pas que l'automobile individuelle n'a, sauf exceptions, plus rien à faire en ville.


La logique de l'automobile individuelle est une logique de privatisation de l'espace public. La circulation automobile, mais aussi le stockage des bagnoles qu'on n'utilise pas, squatte la voirie, et en exclut les usagers des autres moyens de transport. La pluralité des modes de déplacement est remise en cause par un seul d'entre eux, qui monopolise l'espace qu'il occupe, et oblige à le réglementer à son profit : la bagnole pond des feux rouges -elle ne peut circuler sans eux : coupez les feux de circulation au centre de la Ville de Genève, vous bloquez toute la ville en une demie-heure, tout le canton en une heure. La priorité donné à ce mode de déplacement a conduit dès les années 50 à la destruction des réseaux de tramways à Genève et Lausanne, où elle a conduit de plus à privilégier le métro, qui ne gêne pas les bagnoles, au rétablissement du tram. En l’occurrence, Genève a fait un meilleur choix -mais il lui faut en tirer les conséquences : Vous voulez améliorer la «mobilité» à Genève ? c'est finalement assez simple : d'abord permettre aux transports publics d'échapper aux embouteillages en leur donnant systématiquement priorité aux croisements (feux préférentiels, sites propres sans feux), car il est évidemment absurde d'investir des dizaines de millions de francs dans un beau réseau de trams si ceux-ci ne peuvent pas faire cent mètres sans être arrêtés, et mis en files, par des voitures; ensuite, relier les pistes cyclables les unes aux autres de manière continue, et les séparer du trafic automobile, afin d'assurer la sécurité des cyclistes et de les encourager à rouler ailleurs que sur les trottoirs; enfin, étendre les zones piétonnes et les relier elles aussi les unes aux autres par des parcours piétons, le déplacement à pieds étant encore, dans une ville comme Genève, le plus rationnel, pour autant qu'on puisse se le permettre -ce qui est le cas de la majorité de la population adulte. Et ne plus construire aucun parking en ville, ne pas remplacer ceux qu'on supprime et réduire les places de parcage sur la chaussée.

On nous annonce que la police est entrée en « phase répressive » pour faire respecter par les automobilistes les règles de circulation afin de faciliter le passages des transports publics. Ce prurit répressif, certes acceptable dans l'immédiat pour « débloquer la situation », est tardif, insuffisant, et intenable dans la durée : on ne peut pas mobiliser éternellement les effectifs policiers pour faire respecter des interdictions de circuler (dans la rue du Rhône, par exemple) ou de tourner. Les embouteillages permanents contre lesquels peste à peu près tout le monde, y compris ceux qui les provoquent, sont moins la conséquence d'un choix que celle d'une incapacité à en faire un, et de l'illusion qu'on pourra faire plaisir à tout le monde en ne privilégiant personne. Résultat : les voies de déplacement sont des champs de bataille où chaque usager tente une percée.
Dans ces conditions, la « paix des transports » à laquelle nous requiert la droite bagnolesque n'est ni genevoise, ni zurichoise : elle est munichoise. C'est une capitulation que l'on n'ose pas présenter comme telle, et qu'il nous faut donc refuser, et combattre, « par tous les moyens, même légaux ».

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