Caisse maladie unique : on re-votera. Sur un projet tronqué.


Prudence, prudence...

L'initiative populaire fédérale pour l'instauration d'une caisse maladie unique (la deuxième initiative du genre) a abouti, avec plus de 120'000 signatures récoltées en onze mois, et elle sera déposée au printemps prochain. En 2007, le peuple et les cantons avaient refusé, très nettement, une première initiative pour l'instauration d'une caisse unique, qui avait succombé à la campagne du lobby des assureurs et à la crainte (irraisonnée) que les primes qu'elle prévoyait de fixer en fonction du revenu n'explosent pour les « classes moyennes ». Du coup, les auteurs de la deuxième initiative ont renoncé à reprendre cette proposition de primes en fonction du revenu. Proposition fondamentalement légitime, socialement juste, mais pas franchement dans l'air, très droitier, du temps. D'où la prudence de leur texte. Et son insuffisance : celle d'un premier pas...

De l'assurance-maladie à la sécurité sociale : une longue marche...

L'initiative pour une caisse d'assurance-maladie unique va aboutir. On devra donc se prononcer sur une proposition qu'on va évidemment soutenir, mais sans enthousiasme excessif, et qui pourra, parce qu'elle est prudente, être approuvée par le peuple et les cantons (en tout cas par le peuple), mais qui n'instaurera pas pour autant une véritable sécurité sociale. Bref, on se contente de peu. Mais bon, si ça peut inciter le Conseiller fédéral Alain Berset à soutenir un texte que le député Alain Berset avait soutenu... Cette deuxième initiative populaire pour la caisse unique évoque une caisse publique, sous la forme d'une institution nationale décentralisée en agences, ou en caisses, cantonales. C'est un bon début, mais ce n'est qu'un début. L'absence d'une réforme du système de cotisations, le maintien de la « prime par tête », l'abandon de la cotisation en fonction du revenu, tous ces choix relevant d'un prudent calcul politique (ne pas effrayer les « classes moyennes »...) enlèvent bien de l'intérêt à la démarche. Si l'initiative est acceptée, les cantons procéderont comme actuellement procèdent les assureurs : ils diviseront les coûts de la santé et les frais administratifs de leur caisse par le nombre d'assurés, et fixeront les primes de manière à couvrir les coûts et les frais par les cotisations. Sans tenir compte de la capacité contributive des assurés. Et en puisant dans les fonds publics pour permettre à celles et ceux qui ne peuvent se permettre de payer 400 ou 500 balles par mois d'assurance-maladie d'être tout de même assurés contre la maladie. La disparition de la concurrence, coûteuse (en frais de publicité, en coûts des changements de caisses etc...) fera certes économiser quelques centaines de millions de francs au système nouveau par rapport au coût du système actuel (les frais administratifs des assureurs représentent actuellement entre 5 et 6 % des coûts de la santé), mais ça ne devrait se traduire, dans le meilleur des cas, que par des réductions minimes, et temporaires, des cotisations de base. Et de toute façon, le problème n'est pas tant dans le montant des cotisations que dans le système même de la cotisation « par tête » déterminée par les coûts de la santé et non les revenus des assurés. Faut-il rappeler (la réponse est sans aucun doute « oui, il faut sans cesse le rappeler »...) que le but d'un système d'assurance-maladie n'est pas de faire du bénéfice, ni même d'équilibrer ses coûts, mais de couvrir l'ensemble de la population du risque financier de la maladie ? Si on admet que tel est bien le but du système, il est hors de propos de lui reprocher, comme on le fait au système français de sécurité sociale, d'être déficitaire, alors qu'il ne pourrait cesser de l'être qu'en cessant de remplir la fonction qui le légitime, celle que définissent les deux mots de « sécurité sociale », et que le système suisse d'assurance-maladie remplit fort mal, et fort injustement...

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