Fonds de tiroirs

Selon un rapport du Département de la sécurité, de la police et de l'environnement, pas moins de 1358 caméras filment les Genevoises et les Genevois (et les visiteurs de Genève), dans la rue, les véhicules des TPG, les parkings, à l'aéroport, à l'hôpital, à l'école, dans les musées, la prison, l'Hôtel de police etc... -bref, un peu partout. 169 de ces caméras filment la rue. 366 caméras surveillent le domaine public dans les communes, dont 215 en Ville de Genève... et 69 pour le seul Grand Saconnex, et 33 pour Cologny (qui a peur de tout, comme toute commune riche et peuplée de riches). « Il est difficile de se faire une idée sur l'utilité réelle des caméras », reconnaît le président MCG de la commission judiciaire du Grand Conseil, car on manque de statistiques comparatives de la délinquance dans les lieux surveillés par caméra et dans les autres. On ne manque pas, en revanche, de propositions d'augmenter le nombre de ces machins dont on ne sait pas précisément à quoi ils servent, sinon à arrondir le chiffre d'affaire de ceux qui les vendent. ça doit être une mesure conjoncturelle de lutte contre la crise dans le secteur de la vidéo amateur. Ouais, ça doit être ça...

Lors du débat sur le budget municipal, la droite, l'extrême-droite et les Verts ont fait passer une réduction de 300'000 francs (sur un total de 320'000, autant dire qu'il ne reste plus grand chose...) de la ligne budgétaire permettant de financer la parution des annonces d'offres d'emploi de la Ville dans la «Tribune de Genève», qui y perd 200'000 francs (mais qui, faisant partie d'un grand groupe de presse, n'en souffrira pas trop) et dans « Le Courrier » (qui, indépendant et fauché, en est lourdement affecté). De la part du PLR, de l'UDC et du MCG, cette décision ne surprend pas. De la part du PDC non plus, compte tenu de ce à quoi il s'est lui-même réduit politiquement. De la part des Verts, en revanche... Le PDC et les Verts ont expliqué leur vote par un argument qui hausse leur niveau de compétence politique à celui d'une huître d'Oléron : « on n'a pas mesuré les conséquences de notre choix » (Michel Chevrolet, pour le PDC, qui plaide une fois de plus, après son retournement de veste sur le budget culturel, la circonstance atténuante de la connerie), « je pensais voter une diminution de 10 % sur un poste de 3 millions » au lieu d'une réduction de 90 % sur une ligne de 320'000 francs (Alexandre Wisard, pour les Verts). Réponse de Sandrine Salerno : « les élus du Conseil municipal sont grands, intelligents et en toute possession de leurs moyens, ils sont supposés savoir ce qu'ils votent »... Euh... elle plaisante, là ?

Or donc, le budget cantonal a été adopté vendredi. Avec un déficit de 349 millions. Et adopté par des groupes politiques (le PLR, le PDC, les Verts) qui nous ont pompé l'air pendant vingt heures en Ville de Genève en répétant à satiété l'antienne de « Halte aux Déficits » : « E-qui-libre ! ». Y'a bon déficit cantonal de 350 millions, y'a mauvais déficit municipal d'un million et demi, donc. Faut dire que ceux qui acceptent le déficit cantonal (l'Entente et les Verts) sont majoritaires au Conseil d'Etat, mais minoritaires au Conseil Administratif, mais comme dit un expert en la matière, David Hiler (qui avait enjoint aux Verts de la Ville de s'opposer à tout déficit du budget municipal, avant que de plaider pour l'acceptation d'un déficit cantonal), « la rigueur, c'est du bidon ! ». Goliath évoquait la rigueur budgétaire, mais apparemment, ça vaut aussi pour la rigueur politique. Disons qu'on fait bien d'agender les débats budgétaires en décembre : les contorsions, ça réchauffe.

Le débat budgétaire au Grand Conseil genevois a duré deux fois moins longtemps que le débat budgétaire au Conseil Municipal de la Ville, pour un budget huit fois plus important. Parce que les députés sont plus efficaces que les Conseillers municipaux ? ça ne leur serait pas très difficile, mais non : parce que le vendredi en fin d'après-midi, alors qu'ils avaient commencé de bosser le matin, ils ont carrément décidé de ne plus débattre et de voter sans discuter. On a l'habitude de dire que les parlements se sont constitués pour voter les budgets et les impôts, et que ce vote est l'acte le plus important qu'ils accomplissent. Et que dans une démocratie, un vote doit être précédé d'un débat, sans quoi le parlement n'est plus qu'une chambre d'enregistrement. Ben voilà, on y est: si le débat et le vote du budget sont l'acte essentiel d'un parlement, comment qualifier un parlement où le budget est voté sans débat ?

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