La Suisse a un nouveau gouvernement... le même que l'ancien...

Nous avons reçu (comme tous les membres du PS), sous le coup de midi, un gentil petit mot d'Alain Berset qui se conclut par « je te remercie d'ores et déjà pour le suivi critique que tu ne manqueras pas d'accorder à l'exercice de mon futur mandat ». Où l'on constate avec plaisir qu'il sait déjà sur qui, et pour quoi, il peut compter, notre nouveau ministre. En attendant, on relèvera que le commentaire le plus pertinent, le plus judicieux, que nous ayons entendu sur son élection (et celle de l'ensemble du gouvernement) est venu d'une partisane d'Alain Berset, attendant sans angoisse excessive son élection : « ce qui devait se passer s'est passé »... Mektoub ! On saluera donc avec d'autant plus d'admiration les efforts considérables, faits par la télé et la radio de service public pour tenter d'intéresser le bon peuple à ce qui se tramait en son nom.

Quand la « nuit des longs couteaux » se révèle n'avoir été que celle des petites cuillères


Le Temps titrait hier, en édito, à propos de l'élection du gouvernement fédéral : « une élection indéchiffrable pour le citoyen ». Indéchiffrable, à force de tractations opaques, de démangeaisons égotiques et de tactiques contournées, ou plus simplement inintéressante à force de pérennité ?

Résumons : toutes les offensives de l'UDC pour récupérer un deuxième siège ont échoué : Le PS, les Verts, le PDC, le PBD, les Verts libéraux ont fait bloc pour assurer la réelection (contre l'UDC et le PLR) d'Evelyne Widmer-Sclumpf, et les mêmes, plus la majorité du PLR, pour réelire les sortants et maintenir le deuxième siège socialiste. De la concordance, on vous dit : pas de la concordance arithmétique, mais de la concordance politique. Reste à savoir sur quoi ces forces politiques concordent, au-delà du refus des méthodes udécistes...

La victoire du statu quo (que l'élection de Berset plutôt que Maillard illustre aussi) a été, il est vrai, grandement facilitée par l'invraisemblable incompétence de l'UDC, qui non seulement n'a présenté aucun candidat crédible à l'élection, mais a même dû retirer en catastrophe le candidat qu'elle avait désigné, parce qu'il était accusé de captation d'héritage... L'UDC voulait un second siège, elle ne l'a pas eu; elle voulait le prendre à sa dissidente Eveline Widmer-Schlumpf, elle a été réélue. Elle a tenté ensuite de la prendre au PLR, puis au PS, sans succès. Et elle est, ou fait mine d'être, très colère, l'UDC, claironnant que l'élection d'hier signe la « fin de la concordance » et de la «formule magique» de composition du gouvernement suisse (deux sièges aux deux principaux partis, un siège aux trois partis suivants par ordre d'importance électorale ou parlementaire). On attend donc avec impatience qu'elle tire elle-même la conclusion de ce constat de décès de la « concordance », en poussant son ministre (car elle y est, au Conseil fédéral, l'UDC, faut-il le rappeler ?) à prendre la porte du gouvernement.

Alors, la fin de la « formule magique », vraiment ? Outre que cette formule n'avait rien de magique, on ne voit pas pourquoi il faudrait graver dans le marbre une règle arithmétique de composition du gouvernement, même vieille de plus d'un demi-siècle. Cette «formule magique» n'avait fait que remplacer les formules ni plus ni moins « magiques » qui l'avaient précédées, et s'étaient révélées obsolètes. Pendant près de cinquante ans, il n'y eut que des radicaux au Conseil fédéral, les catholiques-cobnservateurs n'y sont entrés qu'en 1891, les agrariens qu'en 1929 et les socialistes qu'en 1943... Ce n'est qu'en 1959 qu'on a bricolé, à l'initiative du PDC, une règle arithmétique étrange, appliquant le principe de la représentation proportionnelle à une élection majoritaire. Et puis, l'UDC elle-même ne l'avait-elle pas fait voler en éclat, la « formule magique » de 1959, en éjectant la démocrate-chrétienne Ruth Metzler du gouvernement, en 2003, pour que le pithécanthrope zurichois puisse y entrer ? En représaille de quoi Christoph Blocher a lui-même été éjecté du gouvernement quatre ans plus tard pour qu'Eveline Widmer-Schlumpf puisse prendre sa place...

Voilà, c'était, en ce frileux mercredi de décembre, le bilan du jour de la permanence, du statu quo, de la constance, après une nuit qu'on nous annonçait être celle des « longs couteaux » et qui ne fut que celle des petites cuillères. En attendant le vrai débat : celui sur l'élection du Conseil fédéral par le peuple.

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