Nouvelles de la faune locale : Une espèce protégée : le chômeur genevois

Le Conseil d'Etat a annoncé le 21 décembre (c'était le jour de la tourbe, ça s'imposait) qu'il se ralliait à la « préférence cantonale » prônée par le MCG (mais en s'y ralliant sans le dire, et dans des « limites du possible » si étroites qu'on ne peut guère répondre à sa posture qu'en ricanant) et qu'il entendait donner, dans les grands établissements publics (Hôpital, TPG, Aéroport) comme dans l'administration centrale, préférence aux chômeuses et chômeurs genevois (au sens large du qualificatif «genevois») dans l'embauche de personnel. Voilà le donc le chômeur genevois proclamé membre d'une espèce protégée... Être protégé par Longchamp et Favre, de quel avenir est-ce que cela peut bien présager pour l'espèce chômeuse locale ? L'avenir du dodo ou celui du panda ?

Chômeurs AOC

Le département de la solidarité et de l'emploi (le département de François Longchamp et Bernard Favre, donc) recherche (l'annonce est parue dans la presse la semaine dernière) « un-e directeur-trice pour l'office régional de placement ». Office « régional », donc. Mais à quelle région fait-il allusion ? A celle qui, se confondant avec le canton, commencerait à Céligny et se terminerait juste avant la douane de Moillesulaz, ou à la région réelle (en termes d'emplois), celle qui va au moins jusqu'à Bellegarde et Thonon ? On ne saurait, pour en avoir le coeur net, que suggérer à un-e frontalier-e disposant des qualifications nécessaires (Master, connaissance de l'allemand, expérience professionnelle dans un poste similaire, etc...) de se porter candidat-e... Parce que c'est sans doute une Genferei de plus, que cette exemplaire schizophrénie qui consiste à bramer à tous vents sa volonté de construire une « région franco-valdo-genevoise », transfrontalière par définition (la « Grande Genève », quoi...) tout en niant l'une de ses composante principale : le caractère transfrontalier de l'emploi à Genève... En se ralliant, sans l'avouer, à la « préférence cantonale », histoire sans doute de ratisser électoralement, moins de deux ans avant les élections cantonales, le terrain vague du MCG en cautionnant sa rhétorique (il ne s'est d'ailleurs pas faite faute, le MCG, de crier victoire) et en légitimant ses obsessions, le gouvernement genevois ne fait pas qu'opposer les uns aux autres des travailleurs et des travailleuses, des chômeuses et des chômeurs, en fonction de leur lieu de résidence, il oppose surtout un discours illusoire à une réalité sur laquelle ce discours n'a strictement aucune prise. Parce qu'il faut bien lui rappeler, au gouvernement genevois, comme à tous ceux, y compris au sein de la gauche, qui entonnent ou ânonnent la même antienne que lui, quelques lourdes évidences : d'abord, que les chômeurs frontaliers ayant perdu leur emploi à Genève ont cotisé à l'assurance-chômage en Suisse et au tarif suisse, pour toucher des indemnités en France au tarif français. Et qu'ils ont donc, compte tenu de la différence entre les indemnités qu'ils auraient dû toucher en Suisse et celles qu'ils touchent en France, enrichi l'assurance chômage suisse (leurs cotisations, depuis l'introduction de la libre-circulation, restent d'ailleurs dans les caisses helvétiques...). Ensuite, que les frontaliers d'aujourd'hui sont, comme les saisonniers d'hier, une sorte de fusible social en cas de crise : ils sont les premiers à être licenciés. Enfin, qu'à Genève, ni l'emploi des résidents, ni les salaires de la population active résidente n'ont été tirés vers le bas par l'augmentation du nombre de frontaliers étrangers : entre 2000 et 2008, le salaire médian des résidents suisses a augmenté, en termes réels, de 9 %, celui des étrangers permis C de 10 % et celui des permis B de 23 %... en revanche, celui des frontaliers n'a augmenté que de 1 % -en clair, il a été indexé au renchérissement, et c'est tout. Les salaires des Suisses et des permis C ont dont évolué de manière comparable, et ce sont ceux des permis B qui ont bénéficié de la plus forte augmentation. Du coup, l'écart entre les salaires des résidents et celui des frontaliers s'est accru, au détriment des seconds, qui ne touchaient plus en 2008 que le 84 % du salaire médian des résidents suisses. Et surtout, il faut y insister : il n'y a pas à Genève de «marché local de l'emploi» que l'on puisse contenir dans les frontières nationales - Annemasse, Ferney-Voltaire, Saint-Julien, sont dans notre « marché local de l'emploi» genevois. En un chômeur à Annemasse est un demandeur d'emploi genevois. C'est aussi simple que cela -et apparemment, aussi difficile à assumer politiquement. Que le MCG, Longchamp et Favre l'admettent ou non, les appellations d'origine contrôlée, ça vaut pour les cardons ou le pinard -pas pour les chômeurs.

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