On vous souhaite une année...

Vivement la fin du de ce monde

Eruption solaire ? Tremblement de terre ? Tsunami définitif ? Collision entre la Terre et une autre planète ? inversion de la polarité magnétique ? Vous avez le choix de la catastrophe finale (n'oubliez pas, cependant, que la catastrophe, étymologiquement, c'est la révélation : pas la fin des haricots, mais le début de la vérité...). La prédiction apocalyptique est vieille comme l'humanité -et d'ailleurs, elle finira bien par se réaliser, lorsque, avant de s'éteindre, le soleil bouffera les unes après les autres les planètes qui lui tournent autour. D'ici là, et puisque nous avons encore un peu de temps pour voir venir, on fera presque comme tout le monde : on ne vous souhaitera pas une bonne année, mais on vous souhaitera une année. Et on prendra de bonnes résolutions. Ou une seule : ne pas attendre la fin du monde pour hâter, si peu que ce soit possible, la fin de CE monde...

Ne pas attendre...

Alors comme ça, un calendrier maya nous prédirait le fin du monde pour décembre 2012 ? Et un-e Suisse-ss-e sur cent y croirait ? Bah... ce n'est après tout que la dernière des prédictions de ce genre : on se souvient, pour ne citer qu'elle, de celle qui faisait du CERN et de l'ouverture d'un trou noir entre Meyrin et Ferney-Voltaire le moment ultime de notre univers... On n'a cessé de moderniser l'imagerie apocalyptique, et si les Quatre Cavaliers portent d'autres noms, et d'autres armures, ils galopent toujours dans nos têtes, les bougres, juste un peu technicisés, et laïcisés... C'est sans doute une manière de nous hausser au rang des dieux, que nous croire capables de détruire notre monde en réchauffant son atmosphère, en déréglant son climat, en manipulant les gènes du vivant... mais soyons francs : nous, ici, au fond, le sort de la planète nous est parfaitement indifférent : c'est le sort de celles et ceux qui la peuplent qui nous importe. Nous ne pouvons pas même nous parer de l’orgueilleuse certitude que nous allons la détruire, la planète : elle continuera son destin de planète jusqu'à son terme. Nous pouvons bien en revanche détruire son écosystème, c'est-à-dire le nôtre et celui de toutes les espèces vivantes. Un milliard d'humains ne disposent pas d'eau potable et des dizaines de milliers de personnes meurent chaque jour pour avoir bu de l'eau non-potable; chaque jour, une quinzaine d'espèces animales disparaissent. Nous menaçons donc, à long terme, sinon la vie, du moins la vie humaine sur cette planète qui reste, à notre connaissance, la seule à l'abriter, la seule à pouvoir abriter celle de notre espèce. Cela ne signifie pas que la poursuite du mode de production, de consommation et de consumation qui est le nôtre aboutira inéluctablement à la fin de la vie sur terre. Cela signifie seulement que cette course aveugle et obstinée à l'abîme nous menace, nous, humains, et que le «principe de précaution» s'impose, contre la certitude optimiste, sinon béate, que « la vie sera plus forte que tout » ... mais le « principe de précaution », s'agissant des systèmes sociaux, économiques et politiques, est-il autre chose qu'un euphémisme précautionneux pour le mot de « révolution » ? La vie est un accident, et cet accident est fragile. Mais ce qui le menace aussi, est fragile, et si le catastrophisme peut avoir un bon usage, c'est bien celui d'un réveil, d'une révélation sans « R » majuscule, débarrassée de ses oripeaux religieux. Une révélation politique, en somme : celle que s'il est possible à un système social de menacer la vie des humains, il est possible, aussi, aux humains de se débarrasser de ce système. Le 1er janvier 2012, c'était, dans le calendrier révolutionnaire, le jour de l'argile. C'est de cela dont sont faits les pieds des pouvoirs qui se prennent pour des colosses : d'argile. Prenons donc une bonne résolution -une seule, qui les contiendra toutes : ne pas attendre : apocalypse ou non, catastrophe ou pas, le temps nous est compté. Il n'y a même que le temps qui nous soit réellement compté, si nous ne renonçons pas à rendre ce monde vivable pour toutes celles et tous ceux qui, humains, y vivent. Le plus soixante-huitard des films soixante-huitards, L'An 01, le film écolo majuscule, du temps où les écolos étaient de gauche, nous y invitait : « On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste »! C'est pas triste, non. A condition cependant, après avoir « tout arrêté », d'être capables de repartir dans une autre direction; d'être capables non seulement de réfléchir, mais aussi d'agir, et de s'insoumettre après s'être indignés. Ne pas attendre : ne pas attendre qu'on vous écoute pour parler, ne pas attendre qu'on vous comprenne pour expliquer, ne pas attendre d'être aimé pour aimer, ne pas attendre qu'on vous suive pour agir, ne pas attendre d'avoir tout prêt, sous la main, complet et définitif, le modèle de la nouvelle société, pour se défaire de l'ancienne.

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