Aboutissement des initiatives fiscales socialistes

Objectif : l'égalité

Le PS a déposé avant-hier ses deux initiatives populaires fiscales, avec plus de 13'600 signatures pour l'une (celle pour l'abolition des allègement fiscaux accordés aux entreprises étrangères) et plus de 14'000 pour l'autre (celle pour l'abolition des forfaits fiscaux). Objectif des deux initiatives : l'égalité devant l'impôt (« pour toutes et tous, sans privilège », quoi...). L'égalité entre les personnes, l'égalité entre les entreprises. Mais aussi : un débat sur le rôle de l'impôt dans la politique de développement régional, et sur le contenu de cette politique. Du lourd... De quoi, en tous cas, alarmer la droite politique, le patronat et le Conseil d'Etat, qu'on verra certainement unis pour combattre des propositions qui vont à l'encontre de leurs propres choix.

L'égalité devant l'impôt, condition de la légitimité de l'impôt

a politique fiscale est un instrument de la politique de développement. A Genève sans doute plus encore qu'ailleurs : en favorisant l'implantation dans le canton de sièges d'entreprises multinationales, et la domiciliation de riches étrangers sans activité professionnelle, Genève a fait le choix d'un mode de développement dont les conséquences perverses sont désormais mesurables dans la vie quotidienne des habitantes et habitants de toute la région : développement inégal entre le centre (le canton lui-même) et la périphérie (sa couronne française), explosion du prix des terrains, des coûts de la construction, du montant des loyers, submersion du réseau routier par le trafic pendulaire, déconnexion de la place financière et de la Genève internationale du tissu économique local, fragilité à la conjoncture internationale...
Imposer le bénéfice des entreprises étrangères selon un taux de 11,65 % alors que le bénéfice des entreprises suisses est imposé à 24,3 % permet aux premières de livrer une concurrence déloyale aux secondes -une concurrence qui va s'ajouter à Genève à celle que Genève livre, non moins déloyalement, aux pays d'origine des entreprises qu'elle importe. S'installant à Genève en amenant avec elles leurs propres employés, les entreprises étrangère au bénéfice d'allègements fiscaux créent peu d'emplois sur place. Et en subventionnant le logement de leurs employés importés, elles concourent à pousser les prix de l'immobilier à la hausse. Les milieux financiers et patronaux assurent certes que les multinationales ont créé 75'000 emplois à Genève. Mais outre que ce chiffre semble comprendre les emplois créés dans le secteur des organisations internationales gouvernementales, qu'il est assez aventureux de considérer à l'instar des firmes multinationales, d'entre les emplois que l'on nous présente comme ayant été créés par le secteur des multinationales, entre un tiers et la moitié, selon les entreprises, voire plus encore dans certains cas, sont des emplois (ceux des « expatriés ») déplacés, pas des emplois créés. Ces emplois sont certes « nouveaux » à Genève, mais existaient déjà ailleurs et restent occupés par ceux qui les occupaient ailleurs -et qui ont été installés à Genève.
Quant aux forfaits fiscaux, dont 750 riches étrangers sans activité professionnelle (du moins déclarée) ont bénéficié en 2011, ils représentent des rentrées fiscales inférieures de près de 100 millions de francs à ce qu'elles seraient si ces contribuables privilégiés cessaient d'être privilégiés et payaient des impôts comme tout le monde.
En novembre 2010, alors que les Suisses rejetaient par 59 % des suffrages l'initiative fédérale pour des «impôts équitables», qui impliquait elle aussi la suppression des forfaits fiscaux, Genève acceptait cette initiative et cette suppression. Une nouvelle initiative populaire fédérale pour la suppression de l'imposition forfaitaire a ensuite été lancée, par La Gauche. A Genève, le vote de 2010 est de bonne augure, mais bonnes ou mauvaises, les augures peuvent se tromper, et c'est de la mobilisation de la gauche (sans majuscules...), de toute la gauche, sachant que les Verts n'en sont plus, que dépendra ou non la confirmation du vote genevois de 2010 pour l'équité fiscale, lors du vote sur les initiatives fiscales cantonales.
Un long débat commence : il ne portera pas seulement sur le contenu spécifique des deux initiatives socialistes, mais aussi, ou surtout, sur un principe et un modèle : le principe de l'égalité devant l'impôt, qui est la condition de la légitimité même de l'impôt, et le modèle de développement de Genève, dont les habitantes et les habitants de toute la région mesurent désormais quotidiennement les effets.

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