Mercredi matin d'école : Une demande d'école ou de garderie ?

Le vote du 11 mars prochain à Genève, sur l'introduction d'une demie-journée d'école en plus (le mercredi matin) est-il plié ? En tout cas, on ne peut pas dire que le débat fasse rage (les fins de réveillon au Moulin à Danse submergeraient-elles tout autre sujet ?), ni qu'il fasse grand cas d'argumentation pédagogique, et que l'opposition à la proposition du Conseil d'Etat et du parlement se fasse entendre avec beaucoup de vigueur. Il est vrai que les principaux intéressés, les écoliers n'ont pas le droit de vote, que les enseignants ne se mobilisent pas vraiment et que tout se passe comme si les parents d'élèves ne demandent qu'une chose de plus à l'école, c'est qu'elle soit aussi une garderie.

De quoi le mercredi matin d'école est-il le nom ?

l faut bien l'admettre : le mercredi matin scolaire est assez tendance. Une tendance profondément réactionnaire : après le retour des notes et le retour des sections, et avant le retour de l'uniforme (espérons qu'on s'arrêtera avant le retour des coups de règle sur les doigts), elle s'inscrit dans une demande forte, de la société en général, et donc des parents, de ré-encadrement des enfants. En soi, cette demande est un constat d'absence, ou de dilution, de tout ce qui, hors l'école, pouvait assumer cette fonction d'encadrement : les églises ne sont plus ce qu'elles étaient, le sport a la gueule de Bulat Chagaev, les parents sont presque tous au travail et ce qui, hors du temps scolaire, requiert désormais l'attention des mioches (la télé, internet, les consoles de jeux) n'encadre rien ni personne, sinon les colonnes des bilans des vendeurs de prothèses ludo-électroniques et des fournisseurs de réseaux sociaux.

L'école a depuis toujours à répondre à une demande sociale. Et cette demande est à l'image de la société qui la formule. On s'interrogeait gravement, à gauche surtout, depuis des années : que ou qui doit-on mettre au centre de l'école ? Les parents ? Les enseignants ? Les élèves ? La société ? Nous en tenions pour y mettre le savoir : ni l'enseignant, ni l'enseigné, mais l'enseignement. Fugaces incertitudes : au centre de l'école, il y a désormais le gardiennage entre le chocolat du matin et la wii du soir. Et à la périphérie de l'école, il y a le gardiennage parascolaire. Et dans l'école, des enseignants que l'on ne voue encore à enseigner que parce qu'en même temps ils gardent, et des élèves à qui on n'enseignera plus longtemps que pour les garder plus longtemps.
L'augmentation de l'horaire scolaire induite par le rétablissement de l'école le mercredi matin serait bien plus quantitative que qualitative : il ne s'agit au fond que de faire tenir des programmes alourdis dans un temps d'enseignement allongé. Pour les enseignants (qui, contrairement à ce que l'on entend couiner dans les bistrots et ce que l'on peut lire sur les blogs et les « réseaux sociaux », ne se reposent pas le mercredi), elle réduira le temps disponible pour la préparation de leurs cours, ou les tâches administratives dont la charge est de plus en plus envahissante, et lourdement parasitaire.

Il est vraisemblable (si les opposants à cette proposition ne se réveillent pas) que l'école sera réintroduite à Genève le mercredi matin. Pour faire comme tout le monde, et pour faire tenir les programmes exigés dans le temps disponible. On enseignera donc davantage, certes, mais dans de plus mauvaises conditions. Et sans que cela change quoi que ce soit à la situation des élèves en rupture scolaire. Et en ne se posant surtout pas la question de savoir de quoi les écoliers ont besoin pour mieux réussir leur scolarité ? d'un alourdissement de leur programme et d'un allongement du temps qu'ils passent à l'école, vraiment ? Et que demande-t-on aux enseignants ? d'enseigner, ou de passer plus de temps dans la paperasse que dans leur classe, et face à leur hiérarchie que face aux élèves ? Et quelle année célèbre-t-on en 2012? Celle de Rousseau ou celle de Makarenko ?

Commentaires

  1. Cher Pascal,
    L'introduction du mercredi matin d'école est accompagnée de la création de 150 postes d'enseignantes et d'enseignants, davantage qu'il en faudrait pour répondre mathématiquement aux périodes supplémentaires d'enseignement. Je constate avec regret que tu n'es pas favorable à un renforcement du service public, que tu refuses davantage de prestations publiques.

    Tu ratisses large Pascal. Tu ne peux pas à la fois dépeindre l'école comme un lieu de reproduction des structures de domination et prendre la défense des enseignants. Soit tu défends l'école et les enseignants, soit tu détruits l'école et les enseignants agents reproducteurs des inégalités sociales.

    Je parie que tu as manifesté pour sauver la poste de Saint-Jean. Et maintenant qu'il t'est proposé plus de services publics, tu dis non!


    Le plan d'études romand a été rédigé par des pédagogues et des enseignants, la SPG ne s'est jamais opposée à son contenu.

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  2. voilà un commentaire qui a bien raison de rester anonyme...

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