Votations et élections : Dans trois mois, on remet ça...

La Tour (Baudet), prend garde !

Un clou chasse l'autre : les votes de dimanche dernier digérés, il nous faut déjà nous préparer à ceux du 17 juin prochain, avec un menu copieux : deux initiatives fédérales (une deuxième proposition d' «épargne-logement» émanant des milieux immobiliers et une initiative udéciste visant à soumettre les accords internationaux au vote populaire), une initiative cantonale de gauche (« Pour une véritable politique d'accueil de la Petite enfance ») et son contre-projet de droite, une loi cantonale réduisant le contrôle démocratique sur les institutions de droit public... et une élection complémentaire au Conseil d'Etat, histoire de trouver le remplaçant ou la remplaçante du très remplaçable Mark Muller. Et, pour la gauche, de prendre un acompte sur une majorité gouvernementale. Et, pour le PS, de récupérer un siège bêtement perdu il y a trois ans.


Anne, Carole-Anne, Manuel, Thierry... ou la gauche en choix...


Thierry Apothéloz ? Anne Emery-Torracinta ? Carole-Anne Kast ? Manuel Tornare ? On ne vous dira pas (en tout cas pas tout de suite) pour qui on votera. D'abord parce que vous vous en foutez, ensuite parce que notre coeur et notre raison balancent, pour une fois de concert, entre deux de ces quatre candidatures. Enfin, parce qu'il n'y a aucune de ces candidatures que l'on puisse écarter d'emblée, aucune qui soit plus faible que les autres, aucune qui soit dénuée d'expérience politique (deux des quatre sont maires de leur ville, le troisième l'a été trois fois de la sienne, la quatrième a une belle expérience de députée et de cheffe de groupe parlementaire. Les candidat-e-s peuvent être soutenu-e-s par leurs sections. Au moins deux, sinon trois, le sont déjà. Le quatrième, Manuel Tornare, le sera peut-être par la sienne, celle de la Ville, l'avant-veille du congrès socialiste). Bref : toutes et tous peuvent gagner au sein du PS et sont, si les alliances nécessaires se font à gauche, en position de gagner l'élection.

La gauche veut gagner une majorité gouvernementale (l'une des trois majorités, avec la majorité parlementaire et la majorité populaire dont elle a besoin pour mener une politique de gauche), le PS veut regagner un siège perdu il y a trois ans, la droite bourgeoise veut garder le siège de Mark Muller, les Verts libéraux et l'UDC veulent se faire voir ou négocier leur retrait et le MCG fera son cirque habituel. Si on en reste là, avec une candidature unitaire de gauche (même flanquée d'une candidature de témoignage d'un petit bout de la frange de gauche de la gauche de la gauche d'au fond à gauche), une candidature unitaire de la droite traditionnelle (flanquée éventuellement d'une candidature promotionnelle des Verts libéraux) et une candidature gesticulatoire de l'extrême-droite, la gauche part avec les meilleures chances de l'emporter -si elle ne fait pas de conneries. Électoralement, en effet, la situation est assez simple : une droite divisée face à une gauche unie ne fait pas le poids. Et même rassemblée derrière le candidat du PLR, qui n'a d'ailleurs guère le choix des candidatures (c'est Maudet ou rien), elle ne serait pas franchement en état de faire face à une candidature unitaire de gauche, même si Maudet devait recevoir le soutien d'une UDC locale qui, à force de vouloir se faire la roue de secours de l'Entente, n'a cessé de gonfler l'électorat du MCG de celui qu'elle avait réussi à capter quand elle était seule à vouloir occuper le champ politique de la droite plébéienne. Quant au MCG, ses gesticulations autoproclamatoires ne peuvent guère tromper que lui, même si son Conducator fait mine de croire en ses chances : elles sont proportionnelles à la qualité des prestations du MCG là où il siège (comme on le dit d'un bain). Autant dire qu'elles sont nulles.
Le test du 17 juin, pour la gauche, va cependant au-delà de la simple élection complémentaire : il sera un test de sa capacité à reprendre pied sur un terrain laissé en jachère politique et où, logiquement, n'importe quoi s'est mis à pousser. L'installation du MCG dans la couronne urbaine genevoise (le vote des « grandes communes » en faveur de la loi anti-manifs en est la manifestation la plus récente) pose à la gauche genevoise le même problème, et lance le même défi, que la progression du Front National dans les couronnes urbaines des grandes villes françaises. Ce n'est pas que le MCG ou le FN aient bouté l' « extrême-gauche » hors des banlieues, c'est, plus tristement, qu'ils ont pris la place que le PC ou le Parti du Travail ont abandonnée et que ni le PS ni la « gauche de la gauche » n'ont réussi à reprendre. Or la gauche ne peut faire front que si elle ne cède rien aux sirènes du populisme de droite : rien sur l'immigration, rien sur les libertés fondamentales, rien sur les droits démocratiques, rien sur les droits sociaux -rien sur les principes, en somme. Une candidature socialiste qui s'avancerait à l'élection partielle du 17 juin en reprenant de Michel Rocard l'ânerie qu'il eut un jour de faiblesse intellectuelle le malheur de prononcer (« Le Pen pose les bonnes questions mais donne les mauvaises réponses ») se disqualifierait. Un camp politique perd toujours quand il cesse d'être fidèle à ce qui le fonde et le distingue des autres. Que les quatre socialistes candidat-e-s à la candidature s'en souviennent...

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