Votations fédérales et cantonales : petit vent aigrelet


Contrat social ? Non : contrôle social !

Il y a des dimanches, comme ça, où on aimerait bien avoir été plus mauvais pronostiqueur et ne pas se retrouver au lever à prendre sans surprise connaissance de résultats électoraux trop attendus. S'agissant des votations de ce week-end, on craignait le pire, et on avait de bonnes raisons pour cela, l'ambiance générale de rétraction politique et l'envie non moins générale de plus de contrôle social n'étant pas les moindres de ces raisons. Un petit vent aigrelet a donc soufflé sur les urnes, ce week-end (avec quelques rayons de soleil, tout de même, à Fribourg et en Vaud). Reste que hier, l'année Rousseau s'est moins célébrée par une refonte du contrat social que par la demande d'un contrôle social (scolaire) et politique (policier) accru...
Quand l'Etat de Droit se fait étal des droits, rien n'est plus urgent que s'asseoir sur la loi

es six semaines de vacances ? les effets conjugués de la crise économique et de la religion du travail nous paraissaient devoir en condamner d'avance la proposition. Même les Romands, supposés par la blochérienne Welwoche être les Grecs de la Schweiz la refusent... on ne s'attendait d'ailleurs pas à autre chose... La réintroduction de l'école le mercredi matin ? On se disait qu'elle était trop commode à la fois pour les autorités scolaires et pour les parents d'élèves, pour qu'elle soit refusée. Elle est acceptée à deux contre un. Et on n'en est même pas surpris... La loi répressive genevoise sur les manifestations ? caressant l'opinion publique dans le sens, parano, du poil, elle est acceptée (mais pas en Ville : la commune où se déroulent la quasi totalité des manifs refuse la loi répressive contre les manifs, et les communes où on n'a plus vu de manifs depuis la Restauration de 1813 l'acceptent... Comme quoi, les libertés ne sont défendues que là où elles s'exercent...). Nous espérions compenser ces trois défaites annoncées par une acceptation de l'initiative de Franz Weber sur les résidences secondaires, par un refus des propositions d'encouragement à la propriété privée du logement et par une acceptation du prix unique du livre. Sur les deux premiers objets, nous nous retrouvons dans le camp des vainqueurs, mais de manière un peu hasardeuse. Là où le clivage gauche-droite s'exprimait clairement dans les mots d'ordre des partis, le vote exprime une position majoritairement de droite (la loi sur les manifs à Genève, les six semaines de vacances)... là où le clivage était plus diffus, où la gauche et la droite étaient divisées (le mercredi scolaire à Genève, l'initiative de Franz Weber, le prix du livre) on soupçonne que ce ne sont pas des arguments de gauche qui ont le plus et le mieux porté. Et que sur tous les objets, c'est un besoin de sécurité, quoi que l'on mette sous ce vocable, qui s'est exprimé. Et qu'en ce moment, pour faire passer des propositions de gauche, il faut les justifier par un discours de droite.
Le plus symbolique des votes d'hier est cantonal : la droite genevoise proposait d'ériger le Département de la Police seul maître du droit (ou de l'absence de droit) de manifester publiquement son opinion sur la voie publique. Car il ne s'agissait bien que de ce droit et de sa restriction, approuvée par le peuple, ce qui nous rappelle que ce ne sont jamais que des minorités qui manifestent : les majorités regardent passer les cortèges et attendent de savoir qui va gagner pour se ranger du côté du plus fort. Et c'est ainsi qu'est née la démocratie, par la manifestation minoritaire de celles et ceux qui en voulaient : si nos constitutions garantissent aujourd'hui les libertés fondamentales, c'est bien que des femmes et des hommes ont fait usage de ces libertés contre les lois en vigueur de leur temps -mais c'était, il est vrai, au temps où les Constituantes naissaient de la rue et avaient un projet...
Ceux qui vivent les manifs (même les plus problématiques), et habitent là où elles passent, c'est-à-dire en Ville, ont majoritairement refusé de restreindre le droit de manifester. Et ceux qui les voient à la télévision... le droit de manifester a donc été réduit par ceux qui ne manifestent pas et ont accepté de restreindre ce droit dont ils n'usent pas, mais dont ils bénéficient de l'héritage. On n'est évidemment pas tombé dans le fascisme pour autant (sauf à donner du qualificatif « fasciste » une définition si large qu'elle en devient inconsistante, amnésique et injurieuse pour celles et ceux qui ont réellement eu, et ont encore, à se confronter au fascisme), mais on est tombés dans l'exploitation politicienne d'une médiocrité apeurée. Qu'est-ce que cela va changer pour nous, manifestants ? Pas grand chose : on ne demandera peut-être plus d'autorisation de manifester pour manifester tout de même, on n'assumera peut-être officiellement plus l'organisation de manifestations que nous continuerons à organiser. Parce que quand l'Etat de Droit se fait étal des droits, rien n'est plus urgent que s'asseoir sur la loi.

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