Fééries pascales... pour célébrer quoi ?

A toi la gloireuh...

On ne pouvait, avant de cesser pendant quatre jours (à mardi...) de vous abreuver de nos états d'âmes, contourner le marronnier pascal. D'ailleurs, les oeufs de pâques, les chtis lapins en chocolat, les poules en massepain ont envahi depuis des semaines les rayons des grands magasins, des confiseries, des chocolateries. Les estomacs en seront pleins. Et les églises resteront presque vides. Pâques n'est plus, comme noël, qu'un souk, et il vaut mieux ne pas se risquer à un sondage sur ce que nos contemporains savent, peut-être, encore, de cette célébration, de ses sources, de sa signification, au-delà des folklores masochistes qu'elle trimballe, des flagellants espagnols aux crucifiés philippins...


Et c'est ainsi qu'athées, nous allons célébrer pâques


Les quatre jours qui vont du vendredi-saint au lundi de pâques devraient être ceux des plus grandes, parce que les plus chargées de sens, fêtes chrétiennes -mais ils ne le sont restés que chez les orthodoxes et dans certaines églises orientales. Le christianisme occidental, lui, qu'il soit catholique ou protestant, a promu noël comme son plus grand moment de rassemblement autour de ce à quoi il voudrait bien que l'on croie encore. Le marché à fait le reste -et en a, fort logiquement, fait une marchandise. Des lapins en chocolat et des cadeaux de noël.

Au fond, qu'est-ce qu'être chrétien ? A s'en tenir aux dogmes, ce serait croire en un mort-vivant extraterrestre, qui était son propre père et le fils de lui-même pour ensuite naître d'une vierge et promettre la vie éternelle si on mange son corps, qu'on boit son sang et qu'on l'accepte comme maître pour qu'il purge nos âmes éternelles du mal qui y réside depuis qu'un lointain ancêtre a cessé d'être un imbécile heureux parce qu'un serpent qui parle lui a fait manger, avec l'aide d'une créature fabriquée avec l'une de ses côtes, le fruit d'un arbre magique en lui promettant que ça allait le rendre intelligent...
On peut cependant s'autoriser à s'abstraire de ce folklore, à en sourire et à observer que malgré lui, même si l'on ne croit en rien de ce qu'il raconte ni de ce que le dogme contient, même si l'on ne croit ni en Dieu, ni en Diable, ni en Esprit Saint, ni en Christ rédempteur, même si l'on n'est fidèle d'aucune église et quel'on ne tient pas la Bible et les Evangiles (ni d'ailleurs le Coran) comme Le Livre, mais seulement comme un livre, on peut difficilement dans nos contrées culturellement labourées par au moins un millénaire et demi de christianisme ne pas être chrétien... ne serait-ce que parce que de tous les héritages du christianisme, il en est un que nous partageons avec toutes celles et tous ceux qui depuis deux siècles et demi, depuis les Lumières, nous l'enseignent par leurs mots et par leurs actes : la conviction que l'histoire a un sens.
Ce sens de l'histoire, cette certitude que l'histoire a un début, un terme et entre les deux une logique, certes spéciste, allant de la bestialité à l'humanité, de la sauvagerie à la civilisation, de la pure violence à la fraternité, c'est bien un héritage chrétien -que le christianisme a lui-même reçu en héritage du judaïsme dont il est issu, judaïsme et christianisme l'ayant à leur tour légué à l'islam, mais aussi aux Lumières, qui l'ont léguées à la culture politique dont nous nous sentons participer. L'histoire a un sens, et ce sens lui est donné par celles et ceux qui la font. En sortant du temps cyclique des Grecs, ou du temps fatal ou magique des paganismes, nous sommes entrés dans un temps téléologique. Qu'on y mette ou non, au surplus, une eschatologie religieuse importe peu : ce qui importe, c'est que cela a désormais un sens d'agir, même si notre action se fait, forcément, entre deux fatalités : celle d'une naissance que nous n'avons pas choisie et celle d'une mort que nous ne pouvons éviter.

Pour le reste, la beauté des vitraux des églises baroques, la beauté des chants dans les églises russes, la beauté des fresques dans les églises romanes, et même la beauté de certains textes bibliques, nous touchent et parfois nous transportent sans que nous ayons la moindre inclination à croire en ce que croyaient leurs auteurs...

Et c'est ainsi qu'athées, nous allons célébrer pâques. En ne croyant pas qu'il y a 2000 ans on ait crucifié un dieu, ni même un messie, mais un homme, crucifié comme le furent Spartacus et les siens; en ne croyant pas que cet homme ait ressuscité, ni commis le moindre miracle; en ne croyant pas qu'il soit monté au ciel, puis en soit redescendu, puis y soit remonté... Mais en rendant grâce au temps humain que celles et ceux qui y ont cru nous aient abreuvés de toutes les beautés de leur musique, de leur peinture et de leurs mots, de Bach, du Greco et de Dostoïevski.

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